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Manfred à l’Opéra Comique - Ombres et pénombres - Compte-rendu

C’est une gageure que de vouloir monter Manfred de Schumann. Ouvrage destiné au théâtre, certes, mais qui n’est ni un opéra, ni un singspiel, ni véritablement un mélodrame, mais “ un poème dramatique en musique ”(comme indiqué par le compositeur pour son exécution en 1852). Car d’action, il n’est pas vraiment question, sinon d’un drame sans drame, d’une succession de tableaux contemplatifs ou fantasmagoriques, dits par des récitants à partir du texte alambiqué de Byron, dont les courtes séquences musicales qui s’intercalent sont censées restituer l’obsession.

Mais l’œuvre est des plus rares au concert ou à la scène, et la splendide musique de Schumann justifie tout. L’Opéra Comique a donc été bien inspiré de tenter l’aventure. Si ce n’est qu’il a fallu faire la part des choses. Le texte déclamé, originellement en allemand, a donc été traduit pour la circonstance, mais aussi simplifié. Il eût peut-être mieux valu dans ce cas s’en tenir à une stricte transposition, plutôt qu’à un prétendu retour au poème (traduit) de Byron. Ce qui n’ajoute qu’à la confusion d’un texte déjà confus.

Dans ces conditions épiques, le comédien Pascal Rénéric (photo) s’en sort avec les honneurs lors de la dernière représentation, dans une diction claire et articulée, comme sa partenaire Astrid Bas. Diction toutefois déparée d’une importune sonorisation, inutile, dans l’excellente acoustique de la salle, et préjudiciable à l’équilibre sonore général (surtout dans les moments de mélodrame, ou parlé sur fond instrumental). Sous la direction d’Emmanuel Krivine, La Chambre Philharmonique délivre de belles couleurs, après la mauvaise impression d’une ouverture (la page la plus célèbre de la partition) brutalement cognée. Les chanteurs solistes et le chœur Les Éléments se révèlent pareillement en phase. La conception de Georges Lavaudant trouve à illustrer cette suite de scènes sans effet scénique dans une appropriée obscurité, zébrée de projections énigmatiques et peuplée de personnages tout aussi ténébreux, propice aux rêves et à leurs fantômes.

Pierre-René Serna

Robert Schumann : Manfred – Paris, Opéra Comique, 15 décembre 2013

Photo © Julienne Etienne

 

 

 

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