Journal
Marc Mauillon et Anne le Bozec – Fauré et ses poètes
Une longue relation avec la mélodie française
La mélodie française, bien qu’elle soit peu représentée dans une discographie dominée par la musique ancienne et baroque, fait partie de la vie du chanteur depuis toujours. Enthousiasmé par une participation à un opéra pour enfants à l’âge de dix ans, il avait intégré une classe de chant traditionnelle dans son Montbéliard natal. «Ça ne se fait pas en général, mais il n’y avait pas de maîtrise là-bas à l’époque, se souvient-il ; les choses ont beaucoup changé depuis. Mon professeur ne pouvait évidemment pas me faire travailler des airs d’opéra à cet âge et j’ai donc commencé par la musique ancienne et la mélodie. »
Une magicienne nommée Anne Le Bozec
Quant à la complicité avec Anne Le Bozec, elle remonte à loin elle aussi. « Anne était assistante dans la classe de chant que je fréquentais au Conservatoire, rappelle M. Mauillon. C’est elle qui m’a accompagné pour mon Prix. Le courant passait bien et nous avons vite commencé à donner des concerts ensemble. C’est une grande joie de connaître Anne et d’avoir le luxe de travailler avec elle. Elle possède une science de la voix incroyable ; elle a l’art d’appréhender le chanteur pour le faire travailler dans le bon sens. Au Conservatoire, je pouvais arriver fatigué en cours ; je ne l’étais plus en repartant ! »
« Et quelle magicienne du piano ... Je me souviens que nous avions fait un rodage de mon Prix au théâtre d’Epinal. Le piano était... ce qu’il était et il y avait un mi bémol horriblement faux dans l’aigu et aucune possibilité d’avoir un accordeur avant le concert. Et bien... durant celui-ci, je ne sais par quel prodige, Anne a réussi à faire sonner juste cette note fausse. J’étais proprement bluffé. Il en va de même avec les pianistes qu’avec les chefs d’orchestre, on chante différemment selon les personnalités. De ce point de vue, la présence d’Anne à mes côtés est très vertueuse ; je chante bien mieux en sa compagnie. »
Le choix du cœur
Marc Mauillon se réjouit du partenariat dans la durée qu’il a noué avec Harmonia Mundi : « c’est la première fois qu’on me demande ce que j’ai envie de faire, que je peux exprimer mes envies profondes. » Après deux disques avec Anne le Bozec dans la collection « Les Musiciens et la Grande Guerre », des commandes (de l’éditeur Hortus) certes mais pour un résultat remarquable, ce Fauré est pour le chanteur « le choix du cœur ». « Fauré représente quelque chose de très évident pour moi et Anne, confie-t-il : quand nous avons commencé à lire Fauré tout coulait de manière très évidente, très simple – je me souviens en particulier du moment où nous avons abordé les Mélodies « de Venise ». Nous avions gardé cette idée d’un disque Fauré dans un coin de notre esprit et, grâce à la collaboration avec Harmonia Mundi, l’occasion s’est présentée. »
En chansonniers
« J’avais aussi envie de rendre hommage à ces mélodies de Fauré, qui sont pour moi très connectées aux classes de chant et à l’apprentissage du chant, précise Marc Mauillon. Ce sont des pièces qui apparaissent très vite dans le cursus d’un chanteur. Elles souffrent parfois d’une réputation de « facilité », mais sont pourtant emplies d’émotion. Je voulais rendre hommage à Fauré et travailler la vocalité du compositeur ; une vocalité proche de celle des salons – Fauré n’était pas, on le sait, très friand de grandes voix d’opéra. Mon travail est très centré sur les rapports entre musique et texte. C’est en chansonniers qu’Anne et moi avons souhaité aborder ces pages. Prenez par exemple Le Papillon et la Fleur ; ça peut vite sonner « cucu ». Nous voulions trouver une autre direction car, pour être naïves, des pièces de ce genre n’en sont pas moins vécues. »
Suivre l’évolution de l’esthétique poétique de Fauré
Du Papillon et la Fleur op. 1 n° 1 (de 1861), sur des vers de Hugo, jusqu’à la Chanson op. 94 (Henri de Régnier, 1906), Marc Mauillon et Anne Le Bozec ont voulu présenter « la quasi-totalité de poètes abordé par Fauré, hormis ceux des cycles. Un programme organisé de manière chronologique qui permet de suivre l’évolution de l’esthétique poétique de Fauré, les périodes qu’il traverse ; Fauré passe d’un poète à l’autre et revient rarement en arrière, constate le baryton. »
Et le résultat est là, de bout en bout irrésistible de naturel, de chic et de caractère – tantôt charmeur, tantôt formidablement prenant – , servi par une diction parfaite, jamais mièvre ni maniérée, et un piano frémissant d’intelligence poétique. Un bonheur rare qui se renouvellera en concert (programme identique à celui du disque), le 11 janvier, dans l’écrin parfait de la salle Cortot.
Alain Cochard
(Entretien avec Marc Mauillon réalisé le 20 décembre 2019)
Marc Mauillon & Anne Le Bozec
Œuvres de Fauré
11 janvier 2020 – 20h30
www.sallecortot.com/concert/melodies_de_faure.htm?idr=28608
Photo ©Inanis
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