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Mass b de Béatrice Massin en création au Théâtre de Chaillot - En passant par Bach - Compte rendu

Béjart avait fait Notre Faust, Neumeier La Passion selon Saint Matthieu, Béatrice Massin fait sa messe, Mass b. On aime cette grande dame hors vent, hors courant, nourrie aux mamelles de la plus intense culture musicale avec son fameux couple parental, libérée grâce au mouvement qu’elle a choisi de travailler sous de multiples angles d’attaque. Intellectuelle, elle a su trouver dans l’élasticité, l’intensité retenue de  la danse baroque des ouvertures vers un langage plus contemporain, une ouverture vers un discours gestuel fluide, généralement peu narratif et dépouillé de tout caractère spectaculaire. Une énergie jubilatoire parcourt souvent ses pièces, comme dans Que ma joie demeure, une pénétration ambiguë de l’identité du danseur dans D’ores et déjà, montrant qu’elle sait décrypter l’âme humaine avec finesse, autant qu’elle sait remonter le cours de l’histoire avec Terpsichore  ou La Parade baroque. Bref, un parcours tout de légèreté voulue, qui fait de la danse une expression intime, à laquelle le spectateur adhère ou non, suivant son intensité.
 
 

Béatrice Massin © Luc Barrovecchio

Ici, elle a vu grand, trop sans doute. Car si sa Mass b se veut joyeuse, portée par des extraits de celle de Bach, et par quelques séquences de Ligeti, choisies parmi celles qui ne séduisent pas le plus, elle n’arrive malheureusement pas à lui donner l’axe qui en ferait l’intérêt. Il est des pièces, sacrées à double titre, qui demandent force et rigueur. La joie bondissante, comme savait la pratiquer jadis un Paul Taylor, ne suffit pas. Certes, il y a un semblant de chemin que suivent les danseurs, censés montrer la longue chaîne de l’humanité tantôt souffrante tantôt heureuse : ils se battent, s’enlacent, s’entrecroisent en des figures savamment élaborées, marchent en cadence sur un ton processionnel, et finissent par exploser de joie de vivre. Action de grâce, peut-être que ce tourbillon final, ou juste célébration du mouvement pour sa seule perception ? On reste perplexe, bien que charmé. Les dix danseurs, eux, donnent toute leur énergie en cette jolie bacchanale sans dieu, scénographiée par Frédéric Casanova, complice de Massin, et scandée par les choix sonores d’Emmanuel Nappey.
 
Jacqueline Thuilleux

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Mass B ( chor. B. Massin) - Paris, Théâtre National de Chaillot, 12 mars ; prochaines représentations 15, 16, 18 mars 2016. www.theatre-chaillot.fr
 
Photo © Patrick cockpit

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