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Metz - Compte-rendu - Le dernier tango de la duchesse à Metz

Lorsque la Duchesse d’A……. fit basculer le gouvernement d’Harold Macmillan dans les années 60 à Londres, les protagonistes de ce scandale étaient loin de se douter que trente cinq ans plus tard le librettiste Philip Hensher, et le compositeur Thomas Adès (photo ci-contre) s’emparent de leurs aventures pour créer Powder Her face le 1er juillet 1995 au Cheltenham Festival avec un immense succès.

Le 27 novembre 2001 Laurence Dale mettait en scène Powder Her Face en création française au Théâtre Graslin de Nantes, puis nommé directeur de L’Opéra Théâtre de Metz, il se devait de l’inclure tout naturellement dans sa saison 2003/04 intitulé - « Les jeux de pouvoir ». Comment allait réagir le public Messein devant cette Duchesse qui érige le phallus en une véritable religion ? Fort bien ma foi, à en juger par les nombreux rappels qui saluèrent le rideau final. Il faut signaler, en cela, qu’ils étaient guider par une musique fort agréable à écouter, qui n’hésite pas à prendre ses marques du côté de Broadway (chanson du crooner) et de Bernstein (aria de la serveuse) avec une orchestration fluide pour petit ensemble, qui n’est pas sans rappeler l’Ariadne à Naxos de Strauss ainsi qu’une mise en scène de Laurence Dale qui a su éviter les pièges de la vulgarité dans un livret sulfureux (une scène de fellation au premier acte) traitée avec réalisme et une pudeur de bon aloi.

Les quatre chanteurs incarnant les acteurs de cet opéra comique donnent vie chacun à plusieurs personnage, au contraire de la duchesse (soprano dramatique) qui incarne un même personnage rusé et plein de malice, constant dans toute son inconstance. Sublime Sally Silver qui, dans l’incarnation de la Duchesse, nous donne une scène finale à faire froid dans le dos, où l’interprète vous amène au bord des larmes, sachant décrire l’abandon de cette femme qui au seuil de la mort, supplie qu’on lui laisse quelques fugitifs instants avant le grand départ.

L’électricien, le chanteur de cabaret et le groom, sont admirablement campés par le ténor Andréas Jaeggi à la voix souple et au jeu des plus réaliste. Dans la triple incarnation du Duc, du juge et du directeur d’hôtel, la basse Jonathan May fait merveille sur une étendue qui sollicite à la fois un grave sépulcral ainsi qu’un registre de fausset qu’il négocie avec une maestria digne d’éloges. Indépendamment du rôle de la duchesse déjà cité qui, je le rappelle, mérite tous les éloges, l’autre diva de la soirée est le soprano léger Heater Buck, qui dans la triple incarnation de la servante, la sociologue et la maîtresse du Duc, fait preuve d’une bravoure exemplaire, exempte de toute stridence, malgré une tessiture éprouvante qui sollicite un suraiguë mis à rude épreuve.

L’orchestre imaginaire formé de jeunes musiciens Lorrains, sous la direction efficace de Philip Walsh, fait ressortir à merveille l’orchestration fluide de Thomas Adès où le mélange des timbres donne à entendre une musique des plus agréable. Une création à Metz à noter d’une pierre blanche, qu’il serait souhaitable qu’elle ne demeure pas lettre morte. Félicitations à Laurence Dale, et à son équipe, pour cette sublime découverte.

Bernard Niedda

Photo : DR
 

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