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​“Mille Regretz” par l’Ensemble Clément Janequin au Festival de la Chaise-Dieu 2021 – Sans un remords — Compte-rendu

 

L’ensemble Clément Janequin proposant un concert Josquin Des Prés, rien de plus normal. Le compositeur décédé en 1521 à Condé-sur-Escaut a toute sa place dans l’abbatiale qui venait alors de se doter d’un de ses titres de gloire, les fameuses tapisseries qui en ornaient jadis le chœur. Ce n’est pourtant pas dans le bâtiment principal que se déroule le concert, mais à l’auditorium Cziffra, petite salle aménagée dans les anciennes granges et écuries de l’abbaye, cadre plus intime pour un programme dont on supposait qu’il serait a cappella.
Sauf que l’ensemble Clément Janequin a choisi cette fois d’être accompagné, et par deux instruments : l’orgue positif, tenu par Sébastien Wonner, et le luth, dont joue Eric Bellocq. Rares sont les moments où les voix se font entendre sans ce support instrumental. Surprise aussi en ce qui concerne les chanteurs, qui ne sont plus quatre, comme à la création de l’ensemble en 1978, mais six. Et ô surprise, on compte même une voix féminine !
 
Aucune source d’étonnement, en revanche, en ce qui concerne le répertoire. Josquin Desprez (selon l’orthographe retenue par l’ensemble) fait partie des compositeurs que fréquentent depuis longtemps les Janequin : ils lui avaient consacré un disque dès 1988, dont le programme recoupe en grande partie celui du concert. Même si les textes sont presque exclusivement profanes, il s’y mêle les pièces les plus guillerettes et les plus graves, le même contrepoint servant à louer Dieu pouvant aussi bien être employé pour chanter ces grivoiseries.
 
Parmi les six chanteurs, on retrouve bien entendu Dominique Visse, fondateur de l’ensemble et seul « Janequin » à en avoir traversé toutes les métamorphoses au fil des décennies. On mentirait en disant que le passage des années n’a eu aucun effet sur la voix du contre-ténor, mais il reste celui qui impulse à l’ensemble son élan, sa dynamique, et l’artiste sait habilement modifier son timbre, gardant son fameux côté trompétant pour les chansons les plus rieuses, et l’adoucissant pour les moins gaillardes. L’autre voix la plus aiguë est celle de la mezzo Anaïs Bertrand, qui se marie fort bien à celle de Dominique Visse et qui s’élève parfois avec une belle clarté au-dessus des cinq voix masculines.

A l’autre extrême des tessitures, on retrouve deux membres de longue date de l’ensemble : la basse Renaud Delaigue, dont on reconnaît les graves comme fondement de toutes ces pièces, et le baryton (et compositeur) Vincent Bouchot, dont le tempérament s’illustre bien dans les morceaux les plus allègres. Du côté des ténors, Hugues Primard, membre de plusieurs ensembles de musique ancienne, qui fait figure de vétéran à côté d’une nouvelle recrue des Janequin, Martial Pauliat, qu’on a pu voir récemment avec ses complices du Trio Musica Humana dans un spectacle de « Bingo musical » réglé par Corinne Benizio.

 A l’issue du concert, un bis est concédé au public enthousiaste : Mille Regretz, non plus dans la célèbre version de Josquin Desprez, mais dans celle d’un autre compositeur franco-flamand, légèrement postérieur, Nicolas Gombert.
 
Laurent Bury

La Chaise-Dieu, Auditorium Cziffra, 24 août 2021 / Festival de La Chaise-Dieu, jusqu’au 29 août 2021 : www.chaise-dieu.com/

Photo © Bertrand Pichène 

Retrouvez la websérie de l'Ensemble Clément Janequin sur la musique de la Renaissance : bit.ly/2WleIsQ

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