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Monteverdi-Scelsi : la vie en dialogue - Une interview de Sonia Wieder-Atherton


Sonia Wieder-Atherton signe un nouvel album intitulé « Vita » (Naïve) où des pages de Claudio Monteverdi et de Giacinto Scelsi (1905-1988) dialoguent. Elle s’apprête à donner ce passionnant programme à Paris (Bouffes du Nord, le 7 mars), avec la complicité des archets de Sarah Iancu et Matthieu Lejeune, puis à Londres le 18 mars et à Lisbonne le 26 mars. Dialogue avec une interprète éprise d’aventures musicales singulières.

Il y a quelques années maintenant, dans un enregistrement intitulé « Au commencement Monteverdi », vous mettiez en dialogue la musique de Monteverdi avec celle de plusieurs auteurs du XXe siècle, dont Berio. Cette fois, c’est à Scelsi que vous associez l’auteur de L’Orfeo. Comment situer cette nouvelle rencontre de Monteverdi et du XXe siècle par rapport à la précédente ?

Sonia WIEDER-ATHERTON : Il s’agit d’un nouveau chapitre. Pour le décrire, je suis tentée de faire le rapprochement avec «Les Palmiers sauvages », livre où Faulkner met en parallèle deux histoires. Elles n’ont rien à voir et pourtant, au fil de la lecture, des communications, des mélanges, des intersections entre une histoire et l’autre apparaissent. Quand j’ai découvert la Trilogie de Scelsi j’ai eu envie de mettre cette musique en résonance avec un autre univers, mais qui continuerait dans une même logique, et je suis revenue à Monteverdi. Par rapport à « Au commencement Monteverdi », je raconte une seule vie ; on se situe beaucoup plus dans l’unicité.

Quelques mots sur la Trilogie de Scelsi que beaucoup d’auditeurs vont découvrir grâce à vous…

S.W.A. : C’est une gigantesque fresque construite autour de ce que Scelsi appelle les trois âges de l’homme, Jeunesse, Maturité, Vieillesse, et où il explore à travers le son les différents stades de l’existence et ce d’une manière plus physique qu’intellectuelle. Quant il évoque l’adolescence, il recherche un son vecteur d’énergie. Scelsi va vraiment dans le son ; il explose les limites du violoncelle et traverse la vie, jusqu’au repli, à une sagesse et un ralentissement des mouvements qui correspondent à la vieillesse. Il y a pour moi un parallélisme tellement puissant entre ça et ce que Monteverdi a livré quatre siècles plus tôt ; son obsession d’exprimer tout ce que l’âme humaine traverse !

Comment s’est effectué le choix des pages de Monteverdi que vous mettez en correspondance avec Scelsi ?

S.W.A. : Ce sont des découvertes, des rencontres. En fait il doit même y avoir une logique qui s’installe à mes dépens car je me suis retrouvée à ne choisir presque que des madrigaux du VIIIe Livre (les Madrigaux guerriers et amoureux) dont l’essence est très particulière, très intense, où Monteverdi a pris le plus de risques.

Vous avez collaboré avec le compositeur Franck Krawczyk pour l’adaptation des pièces de Monteverdi…

S.W.A. : Il y a longtemps que nous travaillons ensemble. Je lui ai montré ce que j’avais commencé à imaginer : pour certaines pièces, il m’a laissé faire, pour d’autres (Altri canti d’amor par exemple) il a été beaucoup plus présent et a fait des choix que nous avons travaillés et retravaillés ensemble. C’est une collaboration assez extraordinaire car il transcrit et travaille sur les pièces en fonction d’une vision d’ensemble de mon projet musical.

Quelques mots sur Sarah Iancu et Matthieu Lejeune, les deux violoncellistes qui vous accompagnent dans cette aventure Monteverdi/Scelsi ?

S.W.A. : Je connais Sarah Iancu depuis quelques années, je l’avais entendue au Conservatoire au moment où elle passait le concours de prix et j’avais adoré son jeu. Nous jouons ensemble depuis l’époque de « Au commencement Monteverdi » ; elle a un jeu sensible, très chantant, que j’aime beaucoup. C’est elle qui m’a présenté Matthieu Lejeune ; une personnalité très différente mais ils sont très complices. Il est très imaginatif et précis, dans beaucoup des madrigaux il joue la basse avec un mélange de force et de légèreté qui est très précieux.

Aux Bouffes du Nord, « Vita » sera accompagné d’une création lumière de François Thouret…

S.W.A. : Le 7 mars, le spectacle ne sera pas donné dans la mise en scène telle que l’ai j’ai conçue, (avec un décor représentant trois grandes fenêtres), car il nous faut nous glisser dans le décor de la pièce qui se joue durant cette période-là aux Bouffes du Nord. Il n’y aura donc qu’une création lumière que j’ai imaginée avec François Thouret.

Propos recueillis par Alain Cochard, le 17 février 2011

Vita – Monteverdi/Scelsi

Sonia Wieder-Atherton, violoncelle

Sara Iancu et Matthieu Lejeune, violoncelles

François Thouret, création lumière

7 mars – 20h 30

Paris - Théâtre des Bouffes du Nord

www.bouffesdunord.com

18 mars – 19h30

Londres – Kings Place

www.kingsplace.co.uk

26 mars – 18h

Lisbonne – Grande Auditorio

www.culturgest.pt

Pour connaître toute l’actualité de Sonia Wieder-Atherton : http://soniawiederatherton.com

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Photo : Richard Dumas / Naïve

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