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Musique et Entreprise / La Fondation Bettencourt Schueller – Le chœur pour vocation

Fondée en 1987 par Liliane Bettencourt, son mari André (1919-2007) et leur fille Françoise, la Fondation Bettencourt Schueller a commencé à exercer ses activités en 1988. Présidée par Françoise Bettencourt Meyers et sous la présidence d’honneur de Liliane Bettencourt depuis 2012, elle est dirigée depuis 2013 par Olivier Brault (photo), ancien directeur général de la Croix Rouge. Les initiateurs de la Fondation ont voulu œuvrer « pour la réussite et le rayonnement de la France, remarque ce dernier, ce qui n’exclut aucunement l’ouverture sur l’extérieur et n’empêche pas, par exemple, d’envoyer de jeunes chercheurs à Princeton ou à Havard, ni d’être mécène de la Villa Kujoyama à Kyoto. »

« Nous sommes une fondation d’utilité publique créée par une famille, financée par une famille, nous ne faisons aucun appel à des dons, poursuit-il. Au-delà des moyens, importants, la Fondation Bettencourt Schueller a l’esprit très entrepreneur de la famille qui l’a créée ; nous croyons plus aux gens qu’aux systèmes, nous aimons le temps long. Chercheurs, responsables d’associations, artistes sont tous un peu des entrepreneurs ; ils ne se contentent pas du monde tel qu’il est, ils cherchent des solutions plutôt innovantes. Tout cela reflète une vision de l’homme fondamentalement optimiste et confiante ; un homme plein de ressources, capable de passion, d’engagement, de générosité, de vision et de sens de la réalisation – sur le long terme. »

Avec pour devise « Donner des ailes au talent », la Fondation exerce ses activités dans trois grands domaines. Depuis 1988, son mécénat s’élève à près de 500 millions €, répartis entre les sciences de la vie (60%), la solidarité (27 %) et les arts (13%).
Le premier secteur, précise le directeur général, « englobe toutes les sciences ayant pour finalité l’amélioration de la santé humaine. Un domaine très vaste car, à la différence d’autres fondations, nous ne sommes pas spécialisés sur une problématique unique et nous nous adaptons au grands défis du temps. Nous aidons la recherche appliquée, mais aussi la recherche fondamentale. Ce à quoi s’ajoutent des aides à la formation des chercheurs de demain et pour la valorisation de la culture scientifique auprès des jeunes. »

En matière de solidarité, les interventions de la Fondation touchent à l’autonomie de la personne, au lien social (éducation, orientation et accès au premier emploi) et au handicap : « dans le monde d’hyper-performance dans lequel nous vivons, il nous paraît utile de soutenir toutes ces organisation qui défendent l’idée que la fragilité est une valeur, confie O. Brault »

« Dans chaque domaine nous avons de grands programmes, qui permettent de ne pas se disperser, d’être stratégique et de définir la valeur ajoutée que nous pouvons apporter en tant que Fondation.» En matière artistique, l’action se concentre sur les métiers d’art et le chant choral (1). D’abord donc sur ce trésor des savoir-faire dont la France est l’héritière. « Ils peuvent certes être mobilisés pour la restauration du patrimoine, rappelle le directeur général, mais possèdent une extraordinaire valeur aussi dans le monde contemporain et notre Fondation s’efforce de le démontrer. »

Ensemble De Caelis © Guy Vivien

Quant au chant choral, on ne saurait trouver meilleure illustration du souci de ne pas se disperser : il constitue en effet l’unique axe de mécénat musical de la Fondation depuis l’origine. Les raisons de ce choix ? Une volonté de Liliane Bettencourt, qui a perdu sa mère très jeune ; une mère qui aimait chanter ... « Au-delà de cette explication personnelle, le chant choral est une discipline très épanouissante pour la personne, souligne O. Brault, il est illustratif d’une pratique collective et possède une valeur sociale : chacun doit maîtriser sa technique et l’apporter en partage à un groupe constitué. Nous aimons la formule de Michel Serres qui décrit le chœur comme « un modèle réduit de la société idéale ». Au-delà de la splendeur et de la variété du répertoire, le chant choral présente un aspect épanouissant pour la personne et valorisant pour le groupe ; ce qui résonne avec l’intention même de notre Fondation. »

Le lancement du Prix de chant choral fut l’une des premières initiatives prises par André Bettencourt après le lancement de la Fondation. Membre de l’Académie des Beaux-Arts et proche de Marcel Landowski (élu Secrétaire perpétuel de l’Académie en 1986), il rédige avec ce dernier la convention (passée avec l’Académie des Beaux-Arts) régissant le Prix Liliane Bettencourt pour le chant choral. En 1990, le Chœur de chambre de l’Opéra national de Lyon est le premier lauréat d’un éloquent palmarès où d’Accentus (1995) à Diabolus in Musica (2012), de Musicatreize (1994) à l’Ensemble Aedes (2009), du Chœur des Arts Florissants (2004) aux Cris de Paris (2013), du Chœur de chambre Les Eléments (2005) à Sequenza 9.3 (2011) l’excellence chorale a été distinguée.
Selon les termes de la convention passée entre la Fondation et l’Académie des Beaux-Arts, les compositeurs membres de cette dernière constituent le jury du prix. Les choses ont ainsi fonctionné jusqu’en 2014, année marquée par l’attribution du Prix Liliane Bettencourt au Chœur Pygmalion de Raphaël Pichon, autre choix avisé.

Chœur Pygmalion © ensemblepygmalion.com

2015 restera une année blanche dans la chronologie du Prix. Olivier Brault et Hedwige Sautereau Gronier, responsable du mécénat culturel à la Fondation, ont alors ressenti le besoin faire une pause. « Nous avons discuté avec beaucoup de gens, réfléchi à l’avenir et redéfini les objectifs et les modalités du Prix ; ce qui nous a conduit à renégocier la convention pour refonder le partenariat avec l’Académie des Beaux-Arts. » Si la Fondation continue d’explorer les richesses du chant choral, elle « a fait un pas de plus dans la professionnalisation du Prix. Le règlement – très précis – demeure, mais nous diffusons beaucoup plus largement l’appel à candidatures, note O. Brault. »

Autre nouveauté : d’un jury formé uniquement par les compositeurs de l’Académie des Beaux-Arts, on est passé à une formule plus ouverte. Sous la présidence de Thierry Escaich sont désormais regroupés quelques compositeurs et des personnalités extérieures (chanteurs, directeurs de salle, administrateurs d’ensemble, etc.) dont l’identité n’est dévoilée qu’après l’attribution du Prix.
Quant à sa dotation, elle est passée de 40 000 € à 50 000 € et est complétée depuis 2016 – année où l’Ensemble De Caelis a été primé – par un « accompagnement » d’un montant de 100 000 € réparti sur 2-3 ans ; ce qui permet à la Fondation d’effectuer un bout de chemin avec le lauréat.
Plus en prise désormais avec la vie musicale, le jury est amené à faire des suggestions aux responsables de la Fondation, comme celle –  adoptée – consistant à réserver le Prix 2017 exclusivement aux chœurs d’enfants et aux maîtrises.

Thierry Escaich, président du jury du Prix Liliane Bettencourt pour le chant choral © Guy Vivien.

Depuis la redéfinition du Prix, la Fondation Bettencourt Schueller consacre 1,9 million € par an au chant choral. En plus du Prix proprement dit, différents dons interviennent, « pour des ensembles que nous apprécions particulièrement, explique O. Brault, mais aussi pour des projets territoriaux tels que ceux des Concerts de Poche, dans le domaine choral, ou ceux de Finoreille, un laboratoire d’éducation artistique gravitant autour de l’Opéra de Lille et qui effectue un travail remarquable dans la région des Hauts-de-France.»

Depuis un quart de siècle, les prix et dons de la Fondation Bettencourt Schueller ont apporté un soutien à la structuration des chœurs professionnels. Désormais le regard se tourne vers le chant amateur : « Nous n’avons aucunement l’intention de devenir le mécène du chant amateur, prévient d’emblée O. Brault, mais en revanche nous pensons que cette pratique est une énorme richesse pour le pays et nous voudrions trouver des leviers qui nous permettent d’apporter des contribution au meilleur des pratiques amateurs et, peut-être, de les interconnecter avec l’univers professionnel ; par exemple en soutenant la formation des chefs de chœurs amateurs, des productions associant amateurs et professionnels. »

Sarah Koné au travail avec les enfants de la Maîtrise populaire de l'Opéra-Comique © Opéra-Comique

La Fondation observe aussi avec intérêt certains projets tout public. Ainsi a-t-elle apporté son aide à l’ « Opéraoké » lancé par l’Opéra Comique à l’initiative d’Olivier Mantei, avec le chef Christophe Grapperon,  pendant l’Euro de foot 2016. Autre initiative de Favart, la Maîtrise populaire de l’Opéra Comique bénéficie également (depuis la fin 2016) de toute l’attention et du soutien de la Fondation, séduite par une démarche « qui renouvelle complètement l’approche pédagogique du chant pour les enfants, avec une dimension d’intégration sociale extraordinaire, le tout porté par la personnalité exceptionnelle de Sarah Koné », qu’O. Brault ne manque pas de saluer.
Pour l’heure les dossiers pour le Prix 2017 doivent parvenir à la Fondation avant le 11 avril ; la décision du jury présidé par Thierry Escaich sera annoncée à la fin du mois du juin.
 
Alain Cochard
(Entretien avec Olivier Brault réalisé le 16 février 2017) 

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(1) Il arrive à la Fondation Bettencourt Schueller d’apporter ponctuellement certaines aides au cinéma, mais ce domaine reste très marginal dans son mécénat culturel
 
Site de la Fondation Bettencourt Schuller : www.fondationbs.org/fr

Photo Olivier Brault © CAPA Augustin Destienne

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