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Paris - Compte-rendu - Bastille : Butterfly les yeux secs


Certaines productions vieillissent, ni mal ni bien au demeurant. Les codes de Robert Wilson restent toujours aussi percutants pour ce qui est des lumières tranchées en couleurs vives, mais sa gestion de l’espace et sa gestique même se désagrègent année après année dans cette Butterfly décidément fragile : un claquement des mains trop sonore de Goro détruit à répétition la finesse du dessin musical, certaines poses signifiantes se décalent et ne parlent plus, sans compter la dissolution finale des effets de symétrie.


On voyait donc, du moins pour ceux qui avaient assisté aux représentations à l’Opéra des Pays-Bas, étalonnées par une captation fidèle parue en DVD (1), ou à la précédente reprise in loco, comme un décalque de l’original, sensation renforcée par le fait qu’à Amsterdam comme aujourd’hui Cheryl Barker incarnait Cio Cio San. Sa Butterfly tenue, admirablement chantée malgré un italien toujours aussi peu idiomatique, a perdu en émotion, comme raidie par le carcan wilsonien. On admire la performance, mais on regrette cette mise à distance du personnage qui ne nous parle simplement plus.


Si Wilson a voulu souligner que le drame du livret d’Illica et Giacosa réside dans l’absence de communication – stigmatisée a minima par l’enfant indifférent à sa mère durant la scène finale – il a réussi au-delà de tout espoir. Nous aussi nous lui devenons indifférent. Dès lors jouer Butterfly ne signifie au fond plus grand chose, ce que soulignait une distribution de pure routine.


Cornelia Oncioiu, la plus pâle des Suzuki dont on se souvienne, Massimiliano Pisapia, au ténor banal, et qui ne phrase jamais son Pinkerton prisonnier d’un méchant costume, Andreas Jäggi, Goro bruyant et de peu d’effet, Scott Wilde, Bonze sans danger, et toute une parentèle réduite à un jeu de poupées, cela calait la soirée dans une sorte de morne grisaille expressive.
Exception pour le Sharpless humain, au baryton profus, de Michael Druiet dont inexplicablement quelques réparties font rire le public.


Dans cet ensemble sans véritable relief, Vello Pähn, abonné à l’œuvre sur la plupart des grandes scènes lyriques, distillait un orchestre poétique, raffiné, allusif mais pourtant jamais analytique, que l’on entend trop rarement en Butterfly, rappelant quel compositeur savant Puccini est avant toute autre chose. On a encore le chœur « a bocca chiusa » éthéré, presque fantomatique, dans l’oreille.



Jean-Charles Hoffelé




(1) Un DVD Opus Arte OA 0936 D



Giacomo Puccini : Madama Butterfly. Opéra Bastille le 14 février, puis les 18, 21, 24, 26 février et le 4 mars 2009



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Photo : Eric Mahoudeau

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