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Paris - Compte-rendu : Joyce DiDonato, la douceur et le feu


Pour Joyce DiDonato, qui confiera au moment des rappels devoir énormément à Paris, où elle est née artistiquement et où sa carrière européenne a démarré, on comprend facilement ce que pouvait représenter cette escale Salle Gaveau. Après Londres, Madrid et avant Genève, la trépidante mezzo-soprano avait retenu Paris pour y donner son premier récital, devant un public malheureusement clairsemé mais conquis. Connue pour ses qualités vocales et son aisance scénique (Rossini à la Bastille, Haendel et Mozart à Garnier notamment), la cantatrice a fait preuve d'une maîtrise confondante dans un exercice réputé difficile.

Son charme, sa présence, la connivence qu'elle sait établir avec son auditoire au fil du programme et la chaleur qu'elle dégage sont d'irremplaçables atouts. En authentique professionnelle, elle a défendu avant autant de musicalité que d’à-propos et d’assurance technique, des pages de Bizet, Rossini, mais également de Granados, Falla et Montsalvatge, un répertoire qui correspond à sa nature à la fois douce et volcanique.

Car Joyce DiDonato est une personnalité attachante, une artiste que l'on devine exigeante et qui ne se laisse pas tourner la tête par le succès. Si son français est encore perfectible, l'émotion contenue des Adieux de l'hôtesse arabe, sur un texte de Victor Hugo, qu'elle se plait à assombrir et à dramatiser, l'a manifestement inspirée. L'entendre juste après triompher de la périlleuse cantate rossinienne, Giovanna d'Arco, à l'écriture « épileptique », produit un sentiment de totale exaltation, tant la fierté du ton s'accorde à l'éclat d'une vocalisation sans faille.



Soutenue par le piano très contrasté de Julius Drake, qui exprime lui aussi avec netteté ses opinions musicales, Joyce DiDonato n'a aucune peine à animer les vignettes espagnoles de Granados (Tonadillas), dont elle souligne avec profondeur l'âpreté et le désarroi rendus plus aigus sous un soleil que l'on devine ardent ; son interprétation des Sept chansons populaires espagnoles de Manuel de Falla, émouvante et aride, n'appelant que des éloges. On admire enfin cette voix ample et généreuse, aux nuances exquises, qui répond à la moindre sollicitation harmonique ou rythmique.

Après trois des cinq Chansons nègres de Montsalvatge (1943), faussement joyeuses et comme désaccordées, d'un naturel et d'une liberté d'exécution peu fréquents depuis Nan Merriman avec Moore ou Victoria de los Angeles avec Rafael Frühbeck de Burgos, la pétillante interprète est revenue pour deux étincelants bis rossiniens, la Canzonetta spagnola si chère à Marilyn Horne et la cavatine du Barbier de Séville "Una voce poco fa" plus acrobatique et grisante que jamais, avant de clore sur la langoureuse Cancion de cuna para dormir a un negrito de Montsalvatge. Un moment de grâce.

François Lesueur

Salle Gaveau, 5 avril 2007

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