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Paris - Compte-rendu : Natasha Paremski dans la cour des grands

C’est dans un auditorium du Louvre quasiment comble que Natasha Paremski a fait ses débuts en France en ce jeudi 26 janvier 2006. A 18 ans, il s’agit tout juste de sa deuxième saison sur la scène internationale. Un récital joué sans interruption qui ne fait que confirmer son rare talent. Le public Parisien, étonnamment silencieux, ne s’y est pas trompé lui réservant une belle ovation en fin de programme !

Une certaine timidité émane de sa personne et tranche radicalement avec l’assurance qu’elle possède au clavier. Aucun round d’observation n’est nécessaire à la jeune pianiste : à peine assise, elle attaque avec autorité la Chaconne de Bach en ré mineur BWV 1004 transcrite par Busoni. Elle adopte une approche résolument baroque exploitant toutes les harmonies quasi symphoniques de l’œuvre. Peu de pédale, voire aucune, un subito - noté tranquillo - très rapide et sec - une palette variée de couleurs avec des dégradés de toute beauté. Ses fortissimi, d’une force explosive contrôlée, contrastent avec ses pianissimi extrêmes.

C’est une tout autre atmosphère qu’elle façonne progressivement dans la Dixième Sonate de Mozart en do majeur K 330. Dès les premières mesures, elle crée une sonorité en demi teinte faite de tendresse et de douceur, effleurant les touches, jouant presque du bout des doigts. Le volume d’ensemble dépassera rarement le mezzo forte. Le cantabile se densifie, s’étoffe au fil de l’Allegro Moderato dans un souci de renouveler le discours, notamment lorsqu’il est repris après le passage dramatique. Dans l’Andante cantabile, c’est une sobriété d’ensemble qui domine avec une maturité évidente d’expression. A noter des contre chants inhabituels en fin de mouvement. L’Allegretto, quant à lui, trouve le ton juste : espiègle et farceur, sans effets gratuits avec une clarté d’expression.

Dès la fulgurante arpège descendante de l’Allegro Agitato de la Seconde Sonate de Rachmaninov en si bémol majeur opus 36, Natasha Paremski nous entraîne dans son univers. Beaucoup de générosité et un engagement passionné dans ce véritable bouillonnement de thèmes cycliques. La difficulté technique de l’œuvre ne lui pose pas de problèmes et son jeu est au service d’une construction d’ensemble minutieuse, laissant la place à des plages de contemplation inspirées. Un voyage presque géographique et les respirations instinctives qu’elle s’accorde par moments sont autant de silences chargés de sens. Le Lento du Non Allegro, avec un choix de tempo assez rapide, est dénué de tout sentimentalisme tiède, dévoilant une ligne de nostalgie pure. Après le crescendo central, une cascade de traits à la sonorité mystérieuse, survoltés puis un diminuendo libre ébouriffant.

Dans le difficile Allegro Molto, la jeune soliste montre une étonnante fraîcheur, variant à merveille les effets avec son jeu tout en puissance. Un bis suivra, l’Elégie du même compositeur, premier des cinq Morceaux de fantaisie (1892), émouvante et empreinte de mélancolie. Par chance, ce concert sera retransmis sur France Musiques le 24 février 2006, à 15 h.

Florence Michel

Natasha Paremski, le 26 janvier 2006 à l’Auditorium du Louvre

Photo : DR
 

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