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Paris - Compte rendu : Vertige de l’attente, Les Limbes de Luc Boltanski et Frank Krawczyk

En fond de scène, face à la salle vide du Théâtre du Chatelet : c’est dans ce décor « inversé » que prend place le spectateur des Limbes, cantate dramatique de Luc Boltanski sur une musique de Frank Krawczyk. Elève de Philippe Manoury et Gilbert Amy, le compositeur a accompagné ce projet que le sociologue a échafaudé autour du lieu que constituent les limbes, où stagnent les âmes « dont on ne peut pas prétendre qu’elles soient au ciel sans pour autant les vouer à l’enfer ». Krawczyk avait déjà collaboré avec le plasticien Christian Boltanski et le scénographe Jean Kalman pour O Mensch ! dans le cadre du Festival d’Automne 2003 ou Happy Hours pour la Biennale d’art contemporain de Lyon en 2004.

Manteaux suspendus oscillant entre terre et ciel, écrans de fumée, discours volontairement monocorde : « Touchant la fin du chemin de la vie / Je me trouvai dans une vaste zone / Terrains, rues, parkings, échangeurs, buildings », le décor glacial et obscur s’agrège à merveille avec la déclamation d’Emmanuel Ostrovski, Voyageur dont la tâche est d’orienter le visiteur au sein de ce territoire inconnu et de décrire ce qu’il voit : « Je ne souffrais pas. Personne ne souffrait / Si souffrir veut dire espérer la fin / Mais pourtant attendre. Quoi ? Peut-être l’attente ». Pages chorales distillées par le biais de haut-parleurs, appels désolés au basson, plaintes récurrentes de l’orgue indien ou de l’accordéon, c’est par intermittence que survient au fil de cette lugubre traversée la partition de Krawczyk, qui participe au décor plus qu’elle ne se prête réellement à l’audition. Elle sera suggestive et ténue, procédant par touches délicates, rappelant le dessin barberien qui guide parfois la plume de Nicolas Bacri.

Nicolas Baron


22 avril 2006 – Paris : Théâtre du Chatelet

Photo : DR

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