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Philippe Bianconi au Festival Chopin à Paris – Dense et envoûtant – Compte-rendu

Le jeu de Philippe Bianconi se distingue par une alliance subtile de justesse stylistique, d’intériorité, de clarté, avec un art quintessencié qui sait débusquer des horizons harmoniques d’une densité peu commune. Invité du Festival Chopin, le pianiste français aura répondu à nos attentes avec un engagement et une énergie vitale où l’intensité de l’interprétation, le sens de la construction tiennent constamment l’auditeur en haleine.
 
Dans les Papillons de Schumann, l'interprète oppose les contrastes et varie les éclairages sans jamais oublier la dimension de la valse, kaléidoscope d’humeurs entre fièvre, nostalgie et inquiétude derrière les masques d’un bal imaginaire. Les Chopin unis par leur date de composition (Valse op. 42 de 1840, le Prélude op. 45 de l’année suivante comme la Troisième Ballade, le Quatrième Scherzo de 1843) présentent une souplesse remarquable, et les embardées ne sont présentes ici que pour emporter le discours dans une jubilation savamment construite.
 
Superbe seconde partie avec le Premier Livre des Préludes de Debussy où Bianconi éveille tout un monde de sonorités (Des pas sur la neige, Voiles), de vibrations à mille lieues d’un impressionnisme de façade (La Cathédrale engloutie possède une puissance suggestive quasi orchestrale) et le pouvoir du rêve (Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir) rejoint la poésie pure (La Fille aux cheveux de lin). En bis, la Valse-impromptu en la bémol majeur de Liszt est enlevée avec une élégance chorégraphique et une autorité digitale d’une absolue sûreté, puis Des Abends, extrait des Fantasiestücke op. 12 de Schumann, constitue une invitation au songe dans la torpeur de la nuit chaude de l’été. Entre-temps, le paon du Parc de Bagatelle, plus compréhensif que d’habitude, s’est jeté dans les bras de Morphée !
 
Michel Le Naour

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Paris, Orangerie du Parc de Bagatelle, 9 juillet 2018. Clôture du Festival Chopin le 14 juillet (à 17) avec  Jean-Claude Pennetier (Fauré, Chopin, Ohana, Debussy) // www.frederic-chopin.com

Photo © Bernard Martinez

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