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Reinhard Goebel enregistre à l’Opéra royal de Versailles – La danse, carrément – Compte-rendu

Tandis que Laurent Brunner déplore à juste titre la fermeture imposée à l’Opéra et à la Chapelle du château de Versailles, privés de la présence du public depuis plusieurs mois, ces deux lieux n’en sont pas moins devenus, depuis le confinement, les plus beaux studios d’enregistrement que l’on puisse imaginer. En ce moment, l’Orchestre de l’Opéra royal, formation créée en 2019 pour les représentations de l’opéra de John Corigliano Ghosts of Versailles, y prépare un nouveau disque consacré au répertoire de ballet. Pour diriger ce tout jeune orchestre, on a fait appel à l’un des vétérans de la musique baroque : Reinhard Goebel (photo).
Violoniste et chef d’orchestre, Reinhard Goebel a fondé en 1973 Musica Antiqua Köln. Il a beaucoup enregistré pour le label « Archiv Produktion » de Deutsche Grammophon, essentiellement des compositeurs germaniques, de Biber à Haydn. Il s’est aussi intéressé à la musique française, et on se souvient qu’il avait dirigé la bande-son du film de Gérard Corbiau Le Roi danse, sorti en 2000. On avait alors découvert une autre manière de diriger le répertoire versaillais, bien différente de celles que proposaient les chefs installés en France.

On pourrait donc considérer que le disque en cours d’élaboration pour le label Château de Versailles Spectacles s’inscrit dans le prolongement de cette entreprise : le programme part de Lully, interprété avec les mêmes caractéristiques que ce que donnait à entendre Le Roi danse, avec des basses très marquées, mais il s’avance jusqu’à la fin du XVIIIsiècle, et sort même de France, tout comme la danse était alors une des grandes exportations culturelles de notre pays.
Le disque s’intitulera Les Caractères de la danse, du nom de l’œuvre de Jean-Féry Rebel qui suit, chronologiquement, les musiques du Bourgeois gentilhomme : en 1720, dans cette « symphonie chorégraphique », le futur compositeur du ballet Eléments enchaînait une dizaine de danses. Dans son allocution liminaire, Reinhard Goebel précise qu’il en existe à Dresde une partition plus complète que la version publiée, avec parties intermédiaires, établie par Johann Georg Pisendel.
Dans la suite de danses du Pygmalion de Rameau, on retrouve ces carrures rythmiques aussi franches, peut-être moins « gracieuses » qu’on ne les interprète parfois, mais toujours pleines de vigueur. Néanmoins, c’est avec les compositeurs germaniques que Reinhard Goebel se déchaîne, notamment dans une tonitruante « danses des furies » d’Orphée et Eurydice, et surtout dans le ballet final d’Idomeneo, auquel il communique une énergie rarement atteinte, non sans en souligner les nombreux contrastes. Lorsqu’on l’entend ainsi dirigée, on s’étonne que cette musique soit parfois coupée lors des représentations de ce premier chef-d’œuvre lyrique de la maturité de Mozart.

Laurent Bury

Enregistrement pour le label Château de Versailles Spectacles, à paraître en 2022.
Captation vidéo par Les Productions de l’Opéra Royal, prochainement disponible sur leur plateforme audio-vidéo.
www.chateauversailles-spectacles.fr/

Photo © Wolf Silveri

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