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René Jacobs dirige la Missa Solemnis à la Philharmonie de Paris – Humanité rayonnante – Compte-rendu

Immense fresque entre sacré et profane, la Missa Solemnis de Beethoven (1824) fait appel à des forces instrumentales, vocales ou chorales hors du commun. René Jacobs (photo) s’empare de cette œuvre non sans préalablement s’être interrogé sur ses multiples fondements philologiques et structurels – cf son entretien dans le programme de salle (1) –, appelant autant l’intimidante grandeur que l’humanité la plus immédiate. Historiquement informée, son interprétation, avec les fidèles instrumentistes du Freiburger Barockorchester, le RIAS Kammerchor et un quatuor vocal homogène, affirme, au-delà du prix apporté aux contrastes, un sens de l’équilibre d’un naturel rayonnant.
 
Plus musicien que technicien de la direction d’orchestre, Jacobs réussit à susciter une tension constante tout en sachant, quand il le faut, créer des espaces de respiration. Sa conception plutôt dynamique s’entend dès le Kyrie introductif qui rend justice aussi bien à la forme qu’à l’intériorité. Avec une progression très élaborée – hélas entrecoupée par un long entracte après le Credo  – se succèdent des tableaux unifiés où la terre et le ciel se rejoignent dans un même élan du cœur.
On regrette la sobriété excessive du violon d'Anne Katharina Schreiber dans le Benedictus qui perd quelque peu son caractère céleste pour se fondre dans l’ensemble. Le superbe RIAS Kammerchor, dont la réputation n’est plus à faire, a été préparé avec un soin méticuleux par notre compatriote Denis Comtet. L’esprit souffle sans cesse (Miserere nobis, Agnus Dei) et les fugues arachnéennes présentent une clarté cursive inouïe. Le quatuor vocal, formé de Polina Pastirchak, Sophie Harmsen, Steve Davislim et Johannes Weisser, s’intègre avec aisance dans une interprétation aboutie. Un voyage dont l’intelligence et la musicalité auront incontestablement marqué les esprits.
 
 Michel Le Naour

(1) philharmoniedeparis.fr/fr/activite/concert-vocal/19030-missa-solemnis-beethoven
 
Paris, Philharmonie, Grande Salle Pierre Boulez, 6 mai 2019

Photo © Molina Visuals pour Harmonia Mundi

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