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« Requiem » de Mozart en ouverture du Festival d’Aix-en-Provence 2019 – La vie, la mort et tout le bazar
Pour ouvrir sa première programmation au Festival d’Aix-en-Provence, Pierre Audi n’a pas hésité à casser les codes, délaissant l’opéra mais conviant tout de même la musique de Mozart au cœur du mythique théâtre de l’Archevêché puisqu’il a demandé à Raphaël Pichon et Romeo Castellucci de « revisiter », le terme est à la mode, le Requiem de Mozart. Le premier étant chargé d’étoffer musicalement l’œuvre inachevée du salzbourgeois et le deuxième de créer une animation scénique pour accompagner l’interprétation. De quoi titiller nos sens « mélomanomaniaques » à l’heure de frapper les trois coups de la 71ème édition du festival lyrique « historique » français.
Raphaël Pichon © Caroline Doutre
Pari à demi réussi pour le nouveau directeur général au soir d’une première contrariée par un violent orage et débutée avec plus d’une heure de retard. Autant dire que l’humidité ambiante n’était pas la bienvenue pour la pratique des instruments d’époque de l’orchestre Pygmalion. Mais c’est pourtant du côté de la musique qu’est venue la grande satisfaction. Entre deux chants grégoriens, Raphaël Pichon s’est plongé dans la littérature mozartienne pour en mettre en valeur quelques joyaux parfois peu connus. Certes il n’a pas évité la sublime Meistermusik, mais il donne aussi à entendre un Amen dont la partition a été retrouvée en 1960 ou ce très beau O Gottes Lamm ponctuant l’Agnus Dei du Requiem. Au total ce sont neuf ajouts qui viennent nourrir idéalement une œuvre que le directeur musical qualifie de « soleil noir, teinté d’une infinie tendresse. »
L’une des images saisissantes de cette production ; une certaine esthétique signée Castellucci © Pascal Victor.
Pour servir cette vision, les « Pygmalion », instrumentistes et voix, se hissent, dans des conditions délicates, à un excellent niveau. Sous la direction de Raphaël Pichon, les musiciens font valoir les couleurs et l’élégance de leur jeu. L’interprétation est puissante et sensible. Un travail nécessaire, pour être raccord avec un plateau très sollicité. Car, il ne faut pas s’y tromper, ce sont les voix, solistes et choristes, qui sont les triomphatrices de la production. En acceptant de devenir les éléments essentiels d’une scénographie sautillante, en ne refusant pas de danser, se mouvoir et même se mettre à nu, au sens propre et au sens figuré, jusqu’aux limites du possible pour les organes vocaux, les choristes sont tout de même d’une précision et d’un niveau artistique hors du commun. Pour les apprécier depuis plusieurs années, on savait l’excellence des membres de Pygmalion : à l’occasion de ce Requiem aixois, ils confirment qu’ils comptent actuellement au rang des meilleurs sur la planète musique… Les solistes, Siobhan Stagg, Sara Mingardo, Martin Mitterrutzner et Luca Tittoto concourent au succès musical, tout comme l’enfant chanteur, Chadi Lazreq, sollicité par les ajouts de Raphaël Pichon.
Ambiance danses folkloriques pour cette scénographie particulière du Requiem © Pascal Victor
La scénographie de Romeo Castellucci, elle, ne nous a pas convaincu, loin s’en faut. Sur fond affiché d’extinction de notre monde, l’Italien installe un chaos « à l’envers » à force de danses folkloriques répétitives sur les temps forts de la partition. Pourtant, le premier tableau, celui de cette femme qui se couche et disparaît à vue dans son lit, laissait augurer de puissantes choses. Las il n’en fut rien ! Difficile d’y trouver son compte tant ce qui se passe sur scène est en décalage par rapport à la musique qui, soit dit en passant, se suffit à elle-même. Un remake de la vie, la mort et tout le bazar d’où émerge, outre le premier tableau évoqué plus haut, l’avant-dernière scène avec le plateau qui se soulève, offrant au regard la vision d’un champ de ruines dévasté par on ne sait trop quel conflit, avant que tout ne glisse laissant la place à l’enfant symbole de vie, sur les accents grégoriens de l’antienne In Paradisum. Bon sang, que cette musique est belle…
Michel Egéa
« Requiem » – Aix-en-Provence, Théâtre de l’Archevêché, 3 juillet ; prochaines représentations les 5, 8, 10, 13, 16, 18 et 19 juillet (à 22 h.) // festival-aix.com
Photo : Les solistes : Sara Mingardo, Luca Tittoto, Siobhan Stagg et Martin Mitterrutzner © Pascal Victor.
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