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Rigoletto à l’Opéra de Tours - Efficacité et sincérité - Compte-rendu

Œuvre fétiche, Rigoletto a toujours enthousiasmé les foules depuis sa création en 1851 à La Fenice. A son tour, le public du Grand Théâtre de Tours a fait un triomphe à une production de l’opéra de Verdi donnée en ouverture de saison. L’homogénéité du spectacle, véritable travail d’équipe, a contribué au succès de l’entreprise.
br> Jean-Yves Ossonce, qui dirige pour la première fois cet opéra, transmet un élan, un dynamisme, mais aussi une délicatesse de ton avec ce sens du théâtre et de l’accompagnement dont il est coutumier. Fin connaisseur des grands chefs d’orchestre du passé, il retrouve à sa manière la pulsation et la palpitation rythmiques inhérentes au langage verdien, sachant déclencher de grands feux instrumentaux dans les moments de tension. L’Orchestre Symphonique Région Centre-Tours, en parfaite communion avec son patron, fait preuve d’un engagement et d’un frémissement constants (petite harmonie souple et à la sonorité fruitée). Les chœurs, utilisés comme un personnage à part entière et superbement préparés par Emmanuel Trenque, font des miracles (enlèvement de Gilda ponctué de « Zitti, Zitti » ou mugissements au dernier acte).

La mise en scène de François De Carpentries participe, par son imagination volontiers expressionniste, à cette impression d’enfermement d’êtres humains pris au piège de leurs propres contradictions. Le décor simple mais très efficace de Karine van Hercke utilise intelligemment rideaux, miroirs, ombres portées (la scène d’amour suggestive entre Gilda et le duc de Mantoue), mariant les costumes d’époque finement réalisés par les ateliers de l’Opéra de Tours à une esthétique subtile et réaliste.

Belle cohérence d’ensemble de la distribution : Le Rigoletto du baryton canadien Nigel Smith, plus grand format physique qu’à l’ordinaire, atteint une émotion pathétique au deuxième acte (« Cortigiani, vil razza dannata ») malgré un léger voile sur son timbre profond. Sabine Revault d’Allonnes incarne une Gilda déterminée qui va jusqu’au bout de sa fragilité à toute épreuve. Excellente actrice, possédée par son rôle, elle triomphe des embûches semées par Verdi (« Caro nome » à l’acte I, « Bella figlia dell’ amore » du quatuor de l’acte II). Le duc de Mantoue de Christophe Berry a fière allure, sans jamais forcer le trait, il déploie une ligne de chant d’une élégance très naturelle, tandis que le Sparafucile inquiétant et impressionnant de Chul Jun Kim crève l’écran. Les autres protagonistes méritent aussi des éloges : la Maddalena d’Aude Extremo, le Monterone de Ronan Nédelec, ainsi que les membres du Chœur de l’Opéra (Yvan Sautejeau en Marullo, Michaël Chapeau en Borsa, Véronique Laumonier en Giovanna, Julie Girerd en comtesse de Ceprano).

De taille humaine et sans gros moyens, l’Opéra de Tours réussit chaque année à tenir le haut du pavé dans l’univers lyrique. Ce Rigoletto, par sa sincérité touchante, sa générosité et son efficacité, en est une parfaite illustration. Excellente nouvelle, il part en tournée à Reims en novembre et à Limoges en janvier(1).

Michel Le Naour

Verdi : Rigoletto - Tours, Grand Théâtre, 19 octobre 2012

(1)Prochaines représentations à l’Opéra de Reims les 9, 11 et 13 novembre 2012 puis, avec une autre distribution, à l’Opéra-Théâtre de Limoges les 25 et 27 janvier 2013.

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Photo : F. Berthon
 

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