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Septembre musical de Montreux-Vevey 2019 – Valery Gergiev et la nouvelle génération (Alexandre Kantorow et Daniel Lozakovich -) – Compte-rendu

Le Septembre musical de Montreux-Vevey fête sa 74e édition, marquée par l’arrivée de Mischa Damev qui succède à Tobias Richter. La programmation a été organisée à partir d’une thématique faisant la part belle à la musique russe, depuis toujours très présente dans ce festival.

Invité de prestige, Valery Gergiev (photo) ouvre le ban avec l’Orchestre du Théâtre Mariinsky, qu’il a mené au niveau de perfection instrumentale que l’on sait. En deux concerts, les musiciens présentent un véritable panorama des compositeurs de la Russie éternelle. Les quelques extraits de Roméo et Juliette de Prokofiev ne manquent ni d’énergie, ni de passion sous une baguette (même réduite à un cure-dent !) toujours aussi directive – la gestique se faisant de plus en plus arachnéenne.
 

© Céline Michel

Auréolé de sa victoire au Concours Tchaïkovski, Alexandre Kantorow (photo) reprend le Concerto n°2 pour piano de Tchaïkovski qui lui a porté chance à Moscou. Peu fréquentée, cette partition à laquelle le célèbre Concerto n°1 a fait de l’ombre, demande beaucoup de concentration surtout dans le poétique mouvement lent où les cordes dialoguent longuement entre elles avant l’entrée du clavier. Dans les passages virtuoses (en particulier la cadence de l’Allegro brillante initial), le soliste témoigne d’une liberté et d’une assurance que l’on retrouve dans le final endiablé, mené tambour battant en parfaite connivence avec l’orchestre et le chef. Le Sixième Nocturne de Fauré donné en bis alterne éloquence et simplicité avec un sens narratif frémissant entre ombre et lumière.
La Quatrième Symphonie de Tchaïkovski n’a plus de secret pour Gergiev qui théâtralise le discours tout en poussant l’orchestre au maximum de sa puissance dans une exécution tendue à l’extrême.  
 

Daniel Lozakovitch © Céline Michel

Avec l’Ouverture-fantaisie Roméo et Juliette de Tchaïkovski, le maestro peut une nouvelle fois déchaîner les orages romantiques sans jamais perdre de vue la présence de la mort accentuée par le poids insistant des cuivres. Rien n’échappe à cette vision extravertie, drue et sans concession. Le jeune violoniste Daniel Lozakovich (18 ans) a désormais un statut de star depuis qu’il enregistre pour DG. Le Concerto n°2 de Prokofiev appelle sans doute de sa part plus de densité, de tranchant, d’alacrité, voire d’ironie ; toutefois sa fine sonorité, la justesse et la subtilité de son jeu, que soutient avec tact un accompagnement attentif, ne manquent pas de musicalité. En bis, dans la Sonate n°2 « Obsession » d’Ysaÿe, il retrouve, outre sa technique digne de tous les éloges, l’engagement et l’expressivité qui faisaient parfois défaut au Prokofiev.

L’Orchestre du Mariinsky brille de tous ses feux dans Shéhérazade de Rimski-Korsakov où Gergiev sait mettre en avant chaque pupitre, accentuant parfois le rubato (interventions des bois) au détriment de la continuité discursive. Pour conclure, l’Ouverture de La Force du destin recherche plus l’efficacité et la fébrilité que le dosage des nuances, mais entraîne l’adhésion d’un public conquis.

Michel Le Naour

Montreux, Auditorium Stravinski 2M2C – 1er et 2 septembre 2019

Photo © Céline Michel

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