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Sit Fast joue Dowland et Benjamin – Secrète mélancolie

Etonnant archet celui du gambiste et violoncelliste Atsushi Sakai. L’ancien élève de Philippe Muller et Christophe Coin se montre autant à son aise dans le répertoire ancien que la musique classique (il est membre du Concert de la Loge et du Quatuor Cambini-Paris) et pousse régulièrement la curiosité jusqu’au contemporain, mais aussi au jazz et à l’impro (au sein du Quatuor IXI). Son superbe enregistrement des pièces de viole de Forqueray (avec Christophe Rousset et Marion Martineau) avait été l'objet d'un « Disque de la semaine »(1) en début d’année passée.

Atsushi Sakai © Sofia Albaric

C’est en compagnie des amis gambistes (Isabelle Saint-Yves, Marion Martineau, Nicholas Milne, Joshua Chetham) avec lesquels il a fondé le consort Sit Fast (photo) que Sakai nous revient en ce printemps. Printemps un peu agité, chacun en conviendra. Las du flot continu des chaînes d’info, des commentateurs, des commentaires et supputations ; envie de calme ? Carpe diem : fermez les écoutilles et plongez dans l’océan de poésie que Sit Fast nous offre avec son nouveau disque.(2)

Dowland : Lachrimae, or seaven teares (n° 1, ext.)

Après de très beaux enregistrements Bach et Purcell, l’ensemble signe une interprétation quintessenciée de pages de Dowland et Benjamin rassemblées sous le titre « Seven Tears upon Silence » . Lachrimae, or Seaven Teares (1604), ouvrage fondateur de la littérature pour viole(s) –  formé de sept pavanes – que Dowland écrivit sur le thème du fameux Flow my tears ouvre le programme : impossible de résister à une mélancolie aussi pénétrante et subtilement distillée (avec le concours du luthiste Karl Nyhlin). L’ultime Lachrimae Verae s’achève et, sans transition, un saut de près de quatre siècles se produit avec Upon Silence, triptyque pour mezzo et cinq violes sur un poème de Yeats composé en 1990 par George Benjamin (né en 1960).

Sarah Breton © Jérôme Prébois

La mise en perspective est l’une des meilleures solutions à la diffusion de la musique contemporaine – celle qui a quelque chose dans les tripes en tout cas. Les musiciens de Sit Fast ont eu mille fois raison d’associer cette partition, très secrète elle aussi, à celle de Dowland. Upon Silence fait depuis un moment déjà partie du répertoire de l’ensemble, qui l’avait donné en août 2003 (sous la direction de Maxime Pascal) au Festival Messiaen de la Meije.

Benjamin : Upon Silence ( n° 1, ext.)

Redoutable à mettre en place, la partition de Benjamin trouve en Sarah Breton et Sit Fast des interprètes aussi précis que subtils et la beauté de leur travail – que d'imagination dans la recherche et dosage des timbres les cinq archets montrent-ils, parfaitement accordés à la voix de de la mezzo – tend d’émouvante façon la main à Dowland à travers les siècles.

Sortie officielle de ce bijou le 9 juin, mais il sera disponible en avant-première dès le 19 mai lors du concert que Sarah Breton et Sit Fast donnent à Paris, dans l’intimiste église des Billettes. Quelques Consort songs de Byrd préluderont aux ouvrages de Dowland (avec le luthiste Eugène Ferré) et Benjamin et ne feront qu’ajouter à la pertinence de la démarche.

Alain Cochard

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(1) www.concertclassic.com/article/forqueray-pieces-de-viole-atsushi-sakai-viole-christophe-rousset-clavecin-marion-martineau
(2) 1 CD Evidence (sortie officielle le 9 juin 2017)

Sit Fast, Sarah Breton (mezzo), Eugène Ferré (luth)
19 mai 2017 – 20h 30
Paris – Eglise des Billettes
philippemaillardproductions.fr/rubrique/saison-de-concerts-a-paris-2016-2017.html?idArt=10&prod=352
 
 Photo Sit Fast © Jérôme Prébois

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