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« Sur les traces de Bach » aux Rencontres Musicales de Champéry – À ne pas effacer ! – Compte-rendu

 

Une 23e édition qui a vu grand ! On sait que cette adorable localité suisse qu’est Champéry, nichée aux pieds des grandioses Dents du Midi, a su s’enrichir d’une manifestation musicale de belle qualité, passant courageusement  entre les mailles du filet du Covid, mais pas sans masques, puisque l’an dernier, la déjà petite église qui accueille les concerts avait dû espacer ses spectateurs pour mieux serrer les coudes (si l’on ose dire) autour de la survie du Festival. Et peu importe qu’on y soit un  nombre restreint, car l’acoustique si réverbérante donne l’impression dès la première note d’être au cœur des arènes de Vérone !
 
Cette année, la directrice de ces Rencontres Musicales, Véronique Vielle, et le président, Georges Mariétan, ont visé haut avec dans une session consacrée à Bach, sous ses formes les plus variées, et les plus inattendues, comme ces Variations  Goldberg dans la version de chambre imaginée par le quatuor Ardeo, et rendu hommage à son contemporain Vivaldi, à son fils Carl Philipp Emmanuel, et mieux encore, à ses suiveurs, Beethoven et Brahms. Avec des interprètes tels que Gli Incogniti d’Amandine Beyer et l’Orchestre de chambre de Genève.
 

Adrien La Marca © Anaïs Rithner  
 
Et les quelques 300 places disponibles étaient sans vide, notamment pour le magnifique concert chambriste qui a accolé les noms souverains des trois B, servis par des interprètes de première volée. D’emblée, on s’est envolé haut, lorsque Adrien La Marca s’est emparé de la Suite n°1 BWV 1007, transposée du violoncelle vers l’alto. On connaît l’éclat de sa sonorité, son caractère charnu, et là, la densité, l’intériorité de l’archet donnait de la partition une compréhension différente, ajoutant une sorte d’inquiétude à la paix suspendue qui en émane.
 
Puis vint Beethoven et son fantastique Trio « des Esprits » où se répondaient, non des entités surnaturelles, mais trois jeunes femmes intensément complices, mariant grâce , passion et aptitude au silence, plus parlant encore que les sons, lorsqu’il en est nourri. Shani Diluka, au clavier, avec sa chaleur vigoureuse et la bienveillance qui émane de son visage tendre, couvait ses partenaires elles aussi unies comme par un souffle, notamment pour le fameux Largo, où chacun retint le sien, savourant la finesse, l’élégance du violon de Raphaëlle Moreau et le velouté du violoncelle d’Estelle Revaz, grande artiste suisse.
 

de g. à dr. : Raphaëlle Moreau, Adrien La Marca, Shani Diluka & Estelle Revaz © Anaïs Rithner  
 
Puis Brahms, sa robustesse, sa largeur, sa générosité qui enveloppent comme un manteau : là, pour le 1er Quatuor op. 25, Adrien La Marca a rejoint les trois musiciennes et on a pu admirer le travail en commun qu’ils avaient accompli depuis trois jours, alors qu’ils n’avaient guère l’habitude de jouer ensemble. Tandis que l’ardeur volontaire de son alto semblait un peu mener le jeu, on a été enthousiasmé par l’irrésistible Rondo alla zingarese conclusif, proprement enragé.
 
Une corde a sauté en raison de la chaleur sur le violon de Raphaëlle Moreau, qui très vite a réparé l’incident, une cloche a tinté, un enfant a chanté, menues surprises qui n’ont fait que renforcer la joyeuse réception que le public a réservé à ces quatre artistes bouillonnants, dans l’esprit de Rencontres aussi festives qu’exigeantes qui se clôtureront le 14 août sur le Magnificat de Bach et le Gloria de Vivaldi, par l’Ensemble Vocal de Lausanne  et l’Orchestre  Musique des lumières, dirigés par Facundo Agudin.
 
Jacqueline Thuilleux
 

Champéry (Suisse), le 10 août 2022, jusqu’au 14 août
www.rencontres-musicales.ch
 
Photo © Anaïs Rithner  

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