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Theodora de Haendel par Leonardo García Alarcón au Festival de Beaune 2023 – Ferveur haendelienne – Compte-rendu

Affecté par la disparition subite l’an passé de son directeur administratif, Kader Hassissi, le Festival international d’opéra baroque & romantique de Beaune n’en continue pas moins son chemin florissant, inspiré qu’il est par son entreprenante directrice artistique Anne Blanchard (fondatrice il y a quarante ans de la manifestation aux côtés de K. Hassissi). Cette 41édition en témoigne, qui sait varier les offres musicales tout en faisant appel à des interprètes éprouvés.
 
Ainsi, après une vibrante célébration selon Purcell (Hail, Bright Cecilia !) et Paul McCreesh, ce premier week-end qui expose les fastes de Theodora. Cet oratorio, l’avant-dernier de Haendel (créé en 1750), d’une durée de plus de trois heures, témoigne d’une vaste ambition. Pour conter (en anglais, langue vernaculaire de rigueur de la religion anglicane, au rebours des opéras de Haendel en italien obligé), une action mettant aux prises chrétiens prosélytes et Romains païens, avec au cœur une histoire d’amour entre une chrétienne et un soldat romain, la musique se fait changeante dans son homogénéité, alignant récitatifs et arias da capo expressifs souvent intenses, duos ardents et chœurs saisissants. Une grande et belle œuvre, qui aura attendu les années 1980 pour être enfin rétablie dans son état originel.
 

© ars-essential
 
La restitution à Beaune revient à Leonardo García Alarcón (photo), qui poursuit son parcours haendelien en ce festival, après Samson et Semele les années précédentes. Il retrouve les forces du Millenium Orchestra (formation basée à Namur dont il est directeur musical) et du Chœur de chambre de Namur, en compagnie d’un plateau vocal des plus appropriés. Ce concert succède à celui donné deux jours avant à Namur, suivi d’un enregistrement. Dans la cour des Hospices de Beaune, l’ensemble est impressionnant (en version intégrale, hors la seule coupure d’un air), d’autant que le chœur joue de la spatialisation, en première rangée de plateau, de côté ou sur les hauteurs entourant le public.
 

Sophie Junker (Theodora) © ars-essentia
 
Sophie Junker incarne Theodora de sa voix sûre et bien projetée, tandis que Dara Savinova offre une Irène au phrasé admirable. Le remarquable Paul-Antoine Bénos-Djian (qui remplace Christopher Lowrey, souffrant) s’acquitte de Didymus avec une prenante prestance et un timbre élégiaque qui se permet de délicates notes filées. Matthew Newlin (Septimius) figure un ténor d’une technique infaillible dans les passages de registre de tête à registre de poitrine, avec une ornementation maîtrisée. Voix sombre et vigoureuse, Andreas Wolf campe un Valens en parfaite conformité avec la noirceur de caractère du préfet romain.
Chœur impeccable dans la justesse et la cohésion, de même que les vingt-quatre instrumentistes du Millenium Orchestra, en ensemble ou en solistes, sous la battue vigilante autant qu’emportée de García Alarcón au-devant de son clavecin. Restitution impressionnante dans la ferveur comme l’expression. On guette avec impatience l’enregistrement annoncé !
 

Anthea Pichanik © ars-essentia

Troisième et dernier concert du week-end, dans l’écrin de la salle des Pôvres de ces mêmes Hospices, la contralto Anthea Pichanick – une fidèle de Beaune depuis 2016, année de son triomphe en Asteria dans Tamerlano – s’empare fougueusement d’airs extraits d’opéras de Vivaldi (magnifique « Gelindo in ogni vena » extrait de Farnace) soutenue avec allant par l’ensemble Il Caravaggio dirigé par Camille Delaforge, qui s’octroie par ailleurs des extraits enlevés de concerti du maître vénitien. Avec en bis Les Feuilles mortes de Kosma, en hommage à Kader Hassissi.
 
Pierre-René Serna
 

Festival de Beaune, 7-9 juillet 2023 - Le 41e Festival de  Beaune se poursuit jusqu’au 30 juillet 2023 // www.festivalbeaune.com
 
 
Photo © ars-essentia

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