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Toulouse - Compte-rendu : Fou Ts’ong à Piano aux Jacobins – Célébration poétique


Cher au coeur des vrais amateurs de piano en France, Fou Ts’ong l’est sans nul doute. Mais d’abord par le disque tant ses apparitions demeurent rares. Il y avait des années que l’on attendait son retour ; sachons gré à Piano aux Jacobins d’avoir osé programmer un interprète si peu médiatique en ouverture de la 29ème édition du festival toulousain. On aimerait que les salles parisiennes fassent preuve d’autant de curiosité et d’audace dans le choix des grands aînés du clavier qu’elles invitent.

Né en 1934, Fou Ts’ong est le fils de Fou Lei, érudit qui traduisit en chinois Balzac ou Voltaire. 3ème Prix du Concours de Varsovie (+ Prix des Mazurkas) en 1955, installé en Angleterre en 1958 , le pianiste s’est d’abord fait connaître au disque avec Chopin, mais des Debussy et des Mozart superbes témoignent également de son pianisme raffiné, du regard à la fois sensible, fidèle et libre qu’il porte sur la musique occidentale.

Le public est venu nombreux vendredi dernier au Cloître des Jacobins pour goûter à la magie d’un jeu rétif à tout effet racoleur, toute pirouette d’estrade. Petite silhouette frêle, ses inséparables mitaines de laine noire aux mains, Fou Ts’ong prend place au piano pour un récital Mozart, Haydn, Chopin et Schubert. Récital ? Célébration poétique, vaut-il mieux écrire pour suggérer un peu de la magie sonore dans laquelle l’artiste plonge l’auditoire.

Pleine de contrastes, de ruptures, la Fantaisie en ré mineur de Mozart qui ouvre la soirée assume pleinement l’humeur improvisée qui la caractérise. Avec une sonorité riche, un jeu au fond du clavier, Fou Ts’ong donne aux deux Sonates de Haydn (ré majeur Hob. XVI/33, si mineur Hob. XVI/32) qui suivent une consistance peu commune. Rien de la manière sèche, en bout de doigts ; incolore et constipée, avec laquelle on joue parfois le Maître d’Esterhaza, mais tout au contraire une plénitude du chant et des timbres fruités qui font resplendir la richesse et la modernité des œuvres.
Chopin ne pouvait faire défaut à un récital de Fou Ts’ong. Poésie décantée, subtilité de la palette de couleurs, noblesse et simplicité : on gardera longtemps en mémoire les deux Nocturnes op 62, pétris de lyrisme et de mystère…

La Sonate D. 959, l’avant-dernière de son auteur, occupe la seconde partie de la soirée. Une œuvre des derniers mois de la vie de Schubert ? Fou Ts’ong se garde bien de la surcharger de quelque façon d’une référence au drame qui la suit de près. Point de pathétisme dans le mouvement lent, mais un naturel, une simplicité encore une fois, qui sont à l’image de l’interprétation dans son ensemble : poétique et amicale.
Si vous avez manqué ce concert, tout n’est cependant pas perdu. Fou Ts’ong donne un programme identique dans le cadre du Festival Piano en Valois d’Angoulême, le 19 octobre prochain.

La fête du piano ne fait que commencer à Toulouse et bien des soirées attendent encore les amoureux de clavier d’ici au 26 septembre, avec de célèbres aînés comme Paul Badura Skoda, Menahem Pressler ou, s’agissant du jazz, Martial Solal et des noms bien connus du public tels que Evgeni Koroliov, Boris Berezovsky, Florent Boffart, Frank Braley, Vanessa Wagner. Mais on trouve aussi des interprètes à découvrir : Romain Descharmes (qui donne entre autres une pièce de Philippe Fénelon en création mondiale), Herbert Schuch, Alexander Drozdov, Ivan Macias et Juan Miguel Murani.

Enfin, les amoureux de répertoire contemporain noteront la venue de György et Marta Kurtag (au Théâtre Garonne, le 17/09) pour des extraits des Jatekok (Jeux), en alternance avec quelques transcriptions de Bach.

Alain Cochard

Récital Fou Ts’ong, Toulouse le 5 septembre 2008. 29e Festival Piano aux Jacobins
Jusqu’au 26 septembre 2008. Tél : 05 61 22 40 05. www.pianojacobins.com.

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Voir un extrait vidéo de Boris Berezovsky en répétition

Photo : DR

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