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Trois questions à Nicolas Le Riche – Aventures nourricières

En pleine émotion créatrice à propos de son nouveau spectacle PARA-II-ELES, présenté à l’inventive Maison de la Culture d’Amiens avant le TCE, Nicolas Le Riche poursuit un engagement sans faille pour sa passion, la danse, et met en scène son alliance profonde avec son alter ego, l’ancienne étoile Clairemarie Osta. Pièce délicate et touchante, PARA-II-ELES, est un duo qui évoque tout en douceur et clins d’œil le parcours de deux êtres qui s’aiment et ont tout partagé. Fluide, poétique, ponctué de retours en arrière sur le langage qui les a unis, académique adouci, la pièce est donnée sur une création musicale un peu tiède de Mathieu Chedid, leur ami, et avec des costumes presque chaplinesques d’Olivier Bériot. Elle se termine avec une grâce presque enfantine, alors que les deux danseurs lèvent leur bras vers la voie lactée et y font jaillir des étoiles. Nicolas Le Riche n’a jamais cessé de frayer avec elles ! Modeste et réfléchi, il évoque ses nouvelles pistes.
 

Nicolas Le Riche & Clairemarie Osta © Lisa Roze
 
Comment vous est venue l’idée de cette pièce ?
Nicolas LE RICHE : Jusqu’à mon départ de l’Opéra, ma vie a été très cadrée dans une structure. Maintenant je la vis de façon plus personnelle. Mats Ek, géant qui m’a beaucoup ouvert les yeux sur ce métier, m’avait dit un jour, alors que je répétais avec lui la variation de mon gala d’adieu: «  tu commences seulement à devenir intéressant ». Mon travail actuel ne ressemble en rien à ce que j’ai pu faire il y a dix ans. J’aime travailler sur la matière humaine qui est en perpétuelle évolution, effectuer une mise en chantier de soi-même, poursuivre une dynamique. J’ai conçu cette pièce en harmonie avec des amis, pour la musique Mathieu Chedid, et pour les costumes, Olivier Bériot, lequel est très lié au monde du cinéma. Quant à Clairemarie, ma femme et ma complice depuis toujours, elle est une partenaire privilégiée car  nous partageons tout. Mais nous ne sommes absolument pas semblables, et c’est ce qui donne de l’intérêt à notre échange, un vrai échange d’artistes. Sa sensibilité est très véridique, j’oserai dire, presque dans le sens biblique! Mais nous voulons développer des projets différents. Le thème de ce duo est la naissance de deux lumières dans un monde, de deux énergies qui naissent et se transforment. Je porte en moi d’innombrables traces de spectacles vivants et je veux encore en laisser et en être habité. Pour moi, le propre de la chorégraphie est cette incarnation : la danse est intéressante par ce qui nourrit le geste.
 
Vous avez aussi initié une autre aventure, Le LAAC ?
N.L.R. : C’est une sorte d’atelier, destiné à ce que j’appelle des apprentis, et à des préprofessionnels, car il faut les préparer à leur entrée dans le monde qui va être le leur. Ces derniers vont jusqu’à 25 ans, quant aux apprentis, 12 à ce jour, ils ont autour de 14 ans, et sont en pleine formation physique et technique. En tout nous avons 70 jeunes inscrits à nos programmes de travail. De plus, deux fois par semaine, nous faisons un tronc commun avec des amateurs. Ce qui nous permet d’ouvrir la structure aux demandes du public. Le mercredi après-midi, nous travaillons avec des enfants, de 8 à 12 ans et un peu plus. Ce qui nous intéresse dans ce projet, avec Clairemarie, c’est de garder le vivant de la danse. Cet un art qui a été très collé à son époque, toujours très contemporain, et l’idée nous en est chère autant que celle d’héritage à garder précieusement, Pour la transmission, cette année nous avons travaillé Vaslav de Neumeier, Bernalda Alba de Mats Ek, Carmen de Roland Petit, outre de grands classiques tels Le Lac des Cygnes, Don Quichotte, Le Corsaire. Nous avons aussi été en contact avec Saburo Teshigawara, et nous aurons d’autres grandes participations dans l’avenir, clowns, philosophes, musique aussi notamment mon ami Karol Beffa : toutes façons de multiplier l’approche de la danse.
 
Ce projet se prolonge dans l’exposition Etoiles qui vous est consacrée à Elephant Paname, de quelle façon ?
N.L.R. : Oui, car ces apprentis et préprofessionnels développent des idées chorégraphiques, chacun devenant à son tour créateur.  En fait, nous avons fait un appel à projets, mais nous avons été surpris par la quantité de réponses. Nous n’en voulions qu’un seul et finalement nous les avons tous retenus. Du coup nous les avons guidés, et tous seront présentés au fil de  l’Exposition, ce qui leur donne des contraintes bénéfiques. Quant à l’Exposition elle-même, elle propose le parcours croisé de nos deux vies et serre de près la substance de notre art et de notre osmose. Photos, vidéos, écrits, accessoires, reconstitution des loges, c’est une plongée chaleureuse et pour nous extrêmement émouvante dans notre vécu, privé autant que public, d’autant qu’elle s’enrichit d’un superbe travail vidéo de notre ami Vincent Perez, qui ouvre sur l’avenir. Une aventure nourricière, encore.
 
Propos recueillis par Jacqueline Thuilleux, le 25 novembre 2015

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Paris,   PARA-II-ELES par Nicolas Le Riche et Clairemarie Osta,
11, 12 et 13 mars 2016
Paris – Théâtre des Champs-Elysées
www.theatrechampselysees.fr/saison/danse/para-ll-eles

Exposition Etoiles
Jusqu’au 29 mai 2016
Paris - Elephant Paname
www.elephantpaname.com
 
A ne pas manquer, Maison de la Culture d’Amiens, dans le cadre de son cinquantenaire, l’exposition du plasticien chinois Tim Yip, auteur des costumes de Tigre et Dragon d’Ang Lee, jusqu’au 15 mai 2016, et le récital de Mathias Goerne dans le cadre du Cycle Schubert, le 26 février 2016. www.maisondelaculture-amiens.fr
 
Photo Nicolas Le Riche © DR

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