Journal

The Turn of the Screw à l’Opéra national du Rhin - Magnifiquement tourné - Compte-rendu

Robert Carsen est un fidèle de l’Opéra national du Rhin. Il y revient cette fois avec une mise en scène du Tour d’écrou, créée en 2011 au Theater an der Wien puis reprise à Wiesbaden. Débarqués de ces voyages, les décors et costumes de la production ont quelque peu souffert, ce qui a nécessité de les reconstituer entièrement par les soins efficaces des ateliers de l’institution lyrique alsacienne. Comme s’il s’agissait d’une réalisation maison…
 
L’effort est récompensé, si l’on en juge par l’exemplarité de la production mise au point par Maria Lamont et Laurie Feldman, mais que Robert Carsen a supervisée durant les dernières étapes. Tout commence par un film projeté, en noir et blanc, dans l’esprit d’un temps passé, en accord avec celui de la nouvelle fantastique de Henry James dont Britten s’est inspiré en 1954 pour son opéra. Puis la toile s’entrouvre pour laisser apparaître les personnages du drame, dans une même tonalité de grisaille. Le plateau devient ainsi le jeu de rideaux s’ouvrant et se refermant, enserrant les épisodes à la façon de cadrages cinématographiques, dans des nuances de gris virant parfois au bleuté crépusculaire, comme il convient à cette histoire de spectres dans le huis clos d’une terne campagne anglaise. La justesse des situations et leur beauté plastique, qui portent bien la signature de Carsen, concourent à ce à quoi tout opéra aspire : un climat, ici automnal et d’insensible fin de jour, quand les contours s’estompent et que les sentiments se perdent.
 
Tant il est vrai aussi que la transmission musicale participe d’une même conviction partagée. Heather Newhouse incarne la Gouvernante, narratrice centrale des émois fantasmagoriques et fantasmatiques qui agitent le petit cénacle de la demeure bourgeoise, avec une troublante vérité d’accents expressifs et vocaux. Nikolai Schukoff et Cheryl Barker confèrent l’envol qui sied aux mélopées spectrales de Peter Quint et Miss Jessel. Alors que Lucien Meyer et Silvia Paysais plantent avec aplomb les deux enfants par qui tout arrive. Anne Mason serait une Mrs Grose à la voix fatiguée, mais elle aussi d’expression soutenue. L’Orchestre symphonique de Mulhouse fournit le meilleur des appoints, en formation de chambre avec ses timbres clairement individualisés, sous la direction méticuleusement assurée de Patrick Davin. Contribuant à un spectacle à tous égards magnifiquement tourné.
 
Pierre-René Serna

logo signature article

Britten : The Turn of the Screw – Strasbourg, Opéra, 23 septembre 2016, prochaines représentations à Strasbourg les 27 et 30 septembre, et les 7 et 9 octobre 2016 à Mulhouse (La Filature)  / www.operanationaldurhin.eu

Photo © Klara Beck

Partager par emailImprimer

Derniers articles