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Une interview Michele Mariotti, chef d’orchestre - « L’essentiel est pour moi l’expressivité du son »

En ce mois de juin, les Parisiens ont a la chance de pouvoir apprécier Michele Mariotti  sur un vaste champ d’action : de La Traviata, qu’il dirige à l’Opéra Bastille (jusqu’au 26 juin), à la 9ème Symphonie de Beethoven qu’il conduira à la Basilique de Saint-Denis les 23 et 24 juin, à un jet de ballon du Stade de France où l’Euro battra son plein - un choix emblématique du Festival auquel il adhère pleinement. Sa carrière éblouissante montre que le jeune chef est bien plus qu’un espoir de l’arène internationale, mais une valeur sûre et que son charisme, sa sensibilité et sa finesse ont déjà marqué un peu partout. Enthousiaste et généreux, Michele Mariotti - tombé dans la marmite puisqu’il est né à Pesaro, fief rossinien - nous conte sa passion.
 
Comment ressentez vous cette Traviata qui vous fixe à Paris pour un mois ?
 
Michele MARIOTTI : D’abord  je connais déjà les lieux et l’orchestre. J’y ai dirigé Les Puritains il y a trois ans. Là, j’apprécie la mise en scène de Benoît Jacquot, très traditionnelle, mais qui laisse toute sa place à la musique. Ce qui m’a permis de travailler comme je l’entendais, sur le son essentiellement. Grâce à l’orchestre, très disponible, je crois avoir obtenu ce que je recherchais : un son de mort. Cette vérité, cette variété infinie de la musique de Verdi me bouleverse et m’entraîne chaque fois dans une aventure à résoudre car, comme Mozart, il parle de l’être humain, et je dois résoudre cette situation musicale. Il parle de nous et de lui et juge les personnages, tandis que Rossini, dont je suis coutumier, les brosse de façon plus distante, je dirais presque plus intellectuelle. Mais sans Rossini, pas de Verdi ! J’en profite pour saluer la performance de Sonya Yoncheva, qui devait assurer plusieurs représentations en alternance avec Maria Agresta et n’a pu le faire à cause du décès de son père. Elle est donc arrivée très peu de temps avant sa première représentation et a dû pratiquement improviser, s’adaptant aussitôt avec une merveilleuse intelligence scénique.
 
Que provoque en vous le fait de diriger la IXe de Beethoven en la Basilique de Saint-Denis ?
 
M.M. : Je suis très sensible aux lieux. A Saint-Denis, même si l’acoustique n’est pas idéale, la musique l’épouse et particulièrement cette IXe Symphonie, qui est symbole d’espérance, comme l’église elle-même et comme la fraternité du sport, que j’aime passionnément et que j’ai beaucoup pratiqué, car à Pesaro nous avons une forte culture de basket-ball ! Je l’ai dirigée en janvier à Bologne, où je suis directeur musical du Teatro communale, et j’aime particulièrement les contrastes entre l’héroïque dernier mouvement et les trois premiers, qui sont très introspectifs. A l’époque où Beethoven l’a composée, il vivait une grande crise culturelle qui affectait toute l’Europe, comme aujourd’hui. Quant à l’Orchestre National, que j’ai déjà eu l’occasion de diriger, notamment dans le Concerto pour violoncelle de Haydn, je connais ses qualités de souplesse et d’attention et me réjouis de le retrouver.
 

Michele Mariotti © Studio Amati Bacciardi
 
Quel est votre monde de prédilection, entre opéra italien et symphonique allemand ?
 
M.M. : La  musique symphonique permet assurément de trouver la vraie respiration de la musique elle-même, et j’aimerais diriger Beethoven, Schubert, Mahler, qui représentent pour moi la grande trilogie germanique. Je vois des liens très forts entre les deux derniers. Pour l’art lyrique, qui est plus compliqué, mes préférences vont à Mozart, Rossini et Verdi, qui sont pour moi étroitement reliés. En revanche, pour le répertoire français que j’aime beaucoup, il faut trouver une vraie direction, car il ne se laisse pas facilement découvrir. En Italie, on joue votre musique de façon un peu alambiquée, un peu légère, alors que ce n’est pas du tout le cas. Pour ma part, j’ai eu la révélation de cette intensité dramatique, de cette volonté, avec le Carmen de Georges Prêtre. De toutes façons, l’un des mes buts premiers est de trouver un son spécifique pour chaque musique, pour chaque orchestre. A l’Opéra de Bologne, que je dirige depuis 2007,  je crois avoir réussi à donner  l’orchestre un son vraiment italien, qui chante.
 
Quel regard portez-vous sur votre carrière ?

M.M.  Pour moi, incontestablement, l’année du tournant fut 2012 : j’ai dirigé La Norma, les Noces de Figaro, j’ai dirigé Carmen au Met et ma carrière internationale s’est envolée. Et je me suis marié ! (avec la superbe soprano russe Olga Peretyatko, ndlr).Toute ma carrière est un grand songe, que je m’efforce de vivre sereinement, en souplesse. J’ai toujours voulu être au cœur de la musique, j’ai d’abord choisi de travailler la composition avant de devenir chef. Mais je sais combien sommes seuls face à l’orchestre, et cette dimension de calme m’est indispensable. Il va m’en falloir pour aborder Les Huguenots, lourde et grosse entreprise  que je vais mener au Deutsche Oper de Berlin ! Pour moi, le moment magique demeure celui où le silence se fait et que je lève la baguette. Alors le son va pouvoir commencer son enchantement et délivrer ses messages.
 
Propos recueillis par Jacqueline Thuilleux, le 2 juin 2016

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Verdi : La Traviata
Paris – Opéra Bastille
7, 11,14, 17, 20, 26, 29 juin 2016
www.concertclassic.com/concert/la-traviata-de-verdi-par-benoit-jacquot
 
 
Orchestre National de France, dir. Michele Mariotti, Maria Katzarava, Marianna Pizzolato, Torsten Kerl, Riccardo Zanellato, Chœur de Radio France
23 et 24  juin 2016 – 20h30
Saint-Denis - Basilique
www.concertclassic.com/concert/hymne-la-joie
 
Photo Michele Mariotti © Amati Bacciardi

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