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Volver de Jean-Claude Gallotta en création à la Biennale de la Danse de Lyon - Mais où est donc Ornicar ? - Compte-rendu

 On l’a bien aimé, Jean Claude Gallotta, fin, malin, intelligent sans trop en abuser. Avec son physique de lutin facétieux, son parcours atypique, il a apporté une sorte de pétillement, d’oxygène, aux drames souvent brandis par la danse contemporaine. On se souvient particulièrement des Variations d’Ulysse, inspirée par Joyce, alors qu’il dirigeait le Centre Chorégraphique de Grenoble, variations qu’il modifiait d’ailleurs régulièrement car l’homme est de ceux qui ne construisent pas une œuvre immobile, ou encore d’un étonnant Nosferatu, commandé par l’Opéra de Paris.
 
A Lyon, il est une vedette, et le public de fans attendait avec impatience sa nouvelle création, Volver, dansée par le Groupe Emile Dubois, qu’il créa, et axée autour de la chanteuse de variétés Olivia Ruiz. Mais hélas, à force de se vouloir atypique et de tenter de se renouveler à tout prix, le créateur a cédé à la mode et ses facilités. Sous le charme de la personnalité de son interprète, il a bâti une sorte de « musical », ou plutôt mis bout à bout une série de chansons de Ruiz, reliées par un mince fil historique : en voix-off, elle raconte une histoire qui pourrait être la sienne, tant elle clame son ibérité, de jeune fille réfugiée en France au moment de la guerre civile espagnole, qui vit un amour passion avec un révolutionnaire bientôt exécuté,  et se retrouve à la fin sans identité ni raison de vivre. « Sola, perduta, abbandonata », pleurait Manon Lescaut.
 
Le sujet déjà, prête peu au sourire, malgré son ambition de mêler légèreté au drame. Et surtout, il se plie dangereusement à la mode en se saisissant d’un grand thème contemporain un peu racoleur et en le traitant à coup d’injonctions qui frôlent la niaiserie. Faire passer en gros plan final un texte embryonnaire sur le drame des réfugiés qui déferlent aujourd’hui sur l’Europe, est juste une façon de dire de manière un peu trichée ce que la danse n’a pas su faire. Outre qu’un thème pareil ne doit pas se laisser effleurer, mais mérite d’être traité en profondeur comme un Béjart jadis et aujourd’hui un Preljocaj ont su le faire.

© Christian Ganet
 
Là, la danse est pauvre, et pire, l’interprète ne porte pas le spectacle, car charme n’est pas charisme. Juchée solidement sur ses escarpins, l’attachante Olivia est un vaillant petit soldat, on l’avait vu déjà dans l’Amour sorcier avec le même Gallotta en 2013, mais il y avait le génie de Manuel de Falla qui soutenait l’édifice et Minkowski à la baguette, ce qui valait mieux que la musique de juke-box des années 70 imposée ici. On avait surtout jugé de la faiblesse de cette voix, un brin assez jolie mais peu nuancée, tentant de compenser ses failles par la sincérité et la force de l’engagement, qui ne remplacent pas l’expressivité, sauf lorsqu’elle passe du français à l’espagnol, où sa raucité appuyée peut faire illusion. Glissons sur sa voix parlée,  gentille, et constatons surtout que sa danse, reposant pourtant sur un passé marqué par le mouvement puisqu’elle en fit étant gamine, manque de souplesse, et semble raide et appliquée.
 
Au final, on s’ennuie ferme, en regrettant l’esprit de Gallotta, plus vif et acéré autrefois que dans cette fausse comédie musicale un peu mélasse où n’on ne rit ni ne pleure,et dont on déplore le peu d’inventivité dans les gestes qu’effectuent les danseurs entourant l’héroïne, avant d’être presque choqué par une sorte de désinvolture dans un propos qui se voudrait tragique. Boboisé, rentré dans le rang, le marginal Gallotta qui s’inspirait du facteur Cheval ? Il est vrai qu’il n’est ni le Béjart de Messe pour le Temps présent, ni le  Bob Fosse de Cabaret,  et que Ruiz n’est pas Liza Minnelli. Heureusement la riche Biennale a encore plus d’un tour à nous offrir dans son gros sac, notamment avec l’étonnante Louise Lecavalier et l’envoûtant Akram Khan. 
 
Jacqueline Thuilleux

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Lyon, Maison de la Danse, le 14 septembre 2016. 17e Biennale de la Danse, jusqu’au 30 septembre 2016 .  www.biennaledeladanse.com
 
Photo © Christian GANET

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