Cette production de Werther que l’Opéra de Paris reprend pour la troisième fois depuis sa création en 2010 garde toutes ses vertus de simplicité et de justesse dans la direction d’acteur. La mise en scène de Benoît Jacquot, si proche de l’univers goethéen, n’a pas pris une ride, pas plus que les cadrages subtils se référant aux peintres romantiques allemands ou au Danois Hammershøi.
 
Dans le rôle-titre Piotr Beczala, diction parfaite, timbre ombré, interprétation intense et sans excès, incarne avec noblesse un être passionné en proie à ses démons. A son côté, la Charlotte de Elina Garanča, voix ample, dramatique, s’impose par une impressionnante présence théâtrale (en particulier dans la scène finale) malgré un français souvent approximatif. Stéphane Degout possède une articulation exemplaire, insufflant à Albert un caractère sombre et ténébreux de mari incompris. Fine, coquine, la Sophie de Elena Tsallagova se love avec aisance dans le naturel du personnage. Les rôles secondaires sont bien tenus : on retiendra l’excellent Lionel Lhote en Johann, le profond Paul Gay en Bailli et la primesautière Pauline Texier en Kätchen.
 
Le jeune Giacomo Sagripanti, qui remplace Michel Plasson souffrant, s’attache moins à imposer les nuances et les couleurs si caractéristiques de l’art du chef français qu’à installer une progression dramatique, tirant parfois Massenet du côté de Puccini. Son autorité et sa capacité à équilibrer les forces de l’Orchestre, des Chœurs, de la Maîtrise des Hauts-de-Seine et du Chœur d’enfants de l’Opéra de Paris témoignent incontestablement d’un métier confirmé qui ne demande qu’à se déployer. On l’attend d’ailleurs avec intérêt le mois prochain, toujours à la Bastille, pour la reprise du Barbier de Séville dans la production de Damiano Michieletto.
 
Michel Le Naour

Massenet : Werther - Paris, Opéra Bastille, 23 janvier ; prochaines représentations les 29 janvier, 1^er et 4 février 2016 / www.concertclassic.com/concert/werther-de-massenet

Photo © Emilie Brouchon - Opéra national de Paris