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Written on skin de George Benjamin à Aix-en-Provence - Attention chef-d’œuvre ! - Compte-rendu
La création de Written on skin (Ecrit sur la peau) du Britannique George Benjamin (né en 1960) au Festival d’Aix en Provence aura constitué l’événement de cet été musical. Il est si rare de sortir comblé de la première audition d’un opéra qu’on en ressentirait pour un peu le besoin de se justifier. Ça tombe bien car il faut bien donner au lecteur les raisons qu’il a de découvrir un nouveau chef-d’œuvre. Car c’est bien de cela qu’il s’agit avec le premier véritable opéra du compositeur anglais accueilli par une ovation debout le soir de la première, après un premier essai lyrique In the Little Hill sur un livret également de son compatriote Martin Crimp en 2006.
Contrairement à ce que prétendent les coupeurs professionnels de cheveux en quatre, le public se trompe rarement : il fit bisser le Concerto pour violoncelle Tout un monde lointain d’Henri Dutilleux à sa création en 1970 au Festival d’Aix en Provence. On connaît la suite… Ce qui frappe d’abord c’est la nécessité et l’honnêteté de la musique de George Benjamin. Il pourrait dire de sa partition comme Mozart de L’Enlèvement au sérail en réponse à un reproche de l’Empereur : «Pas une note de trop Monseigneur ! » Ici aussi l’adéquation de l’idée au matériau sonore est parfaite.
Rien n’y est jamais gratuit. Rien ne saurait être retiré à l’édifice sonore. Vous n’y trouverez rien de racoleur, ni dans la sucrerie, ni dans la dissonance. Il ne cherche pas plus à déstructurer le genre opéra qu’il n’imite le vieil opéra du XIXe siècle. L’effet ne dicte pas sa loi, il reste au service de l’émotion et d’elle seule. Cette grande heure et demie constitue une montée vers l’explosion finale de la passion et la rupture de la raison des protagonistes, jusqu’à ce que l’épouse ait mangé le cœur de son amant. La force du son s’est alors substituée à celle des mots. La musique incarnation du verbe : vieille histoire !
Sans professer que l’opéra soit une histoire de reine qui a des malheurs, Benjamin sait qu’une distance est nécessaire pour que la magie de l’art puisse opérer. Le drame de Pelléas et Mélisande se déroule dans le lointain royaume d’Allemonde et est pavé d’invraisemblances, pourtant il touche tout le monde grâce à la musique de Debussy. On retrouve un trio infernal identique dans Written on skin : un troubadour grand seigneur provençal du XIIe siècle, Guillem de Cabestany, entretient sa belle épouse dans un analphabétisme digne des talibans ; il succombe au péché de vanité et commande à un jeune enlumineur un manuscrit à sa gloire. Ce faisant, il tente le diable en introduisant l’artiste dans sa maison.
Le piège va se refermer inexorablement grâce à la mise en scène implacable de Katie Mitchell dans la scénographie subtile de Vicki Mortimer qui dose le mélange des époques avec bonheur. Trois remarquables solistes assument toute la violence de la tragédie : la soprano canadienne Barbara Hannigan, le baryton anglais Christopher Purves et le contre-ténor américain Bejun Mehta entourés de la mezzo Rebecca Jo Loeb et du ténor anglais Allan Clayton. Dans la fosse, le Mahler Chamber Orchestra a à cœur de prévenir toutes les intentions du compositeur chef d’orchestre qui s’affirme ici comme le vrai successeur de Benjamin Britten.
Jacques Doucelin
Grand Théâtre de Provence, le 7 juillet, prochaines représentations les 9, 11 et 14 juillet 2012
Retransmis sur www.arteliveweb.com le 14 juillet à 20h, et sur France Musique le 27 août 20h.
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Photo : DR
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