Méditation musicale sur la mort en quatre volets. S’il est un seuil difficile à franchir, un palier auquel on se fige, à bout de souffle, c’est bien l’ultime espace qui sépare la vie de la mort. Faut-il pour autant en faire un tabou ? Ou, au contraire, explorer cet indicible entre-deux de façon flamboyante ? C’est cette dernière solution que choisit, à la fin du siècle dernier, le compositeur Gérard Grisey, élève de Messiaen et de Dutilleux et précurseur de l’électro-acoustique. Prémonition ou ironie du sort, ce devait être sa dernière œuvre… “J’ai conçu les Quatre chants pour franchir le seuil, écrivait-il, comme une méditation musicale sur la mort en quatre volets : la mort de l’ange, la mort de la civilisation, la mort de la voix et la mort de l’humanité. Les quatre mouvements sont séparés par de courts interludes, poussières sonores inconsistantes, destinés à maintenir un niveau de tension légèrement supérieur au silence poli mais relâché qui règne dans les salles de concert entre la fin d’un mouvement et le début du suivant. Les textes choisis appartiennent à quatre civilisations (chrétienne, égyptienne, grecque, mésopotamienne) et ont en commun un discours fragmentaire sur l’inéluctable de la mort. Le choix de la formation a été dicté par l’exigence musicale d’opposer à la légèreté de la voix de soprano une masse grave, lourde et cependant somptueuse et colorée.”
Périple en quatre étapes dans le monde des disparus, cette œuvre sera portée à l’Athénée par les plus vives énergies : celles de l’ensemble Le Balcon et celle de Julie Fuchs, qu’on n’a pas pu oublier en volcanique Zerbinette d’Ariane à Naxos, et qui vient de remporter modestement la deuxième Victoire de la musique de sa jeune carrière.