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Exposition Danse - Divine étoile - Une interview de Noëlla Pontois
Elle a à peu près tout fait pour qu’on l’oublie, si menue, si modeste, cette bellissime Noëlla née un 24 décembre, en pleine guerre. Mais elle n’y est pas parvenue. Et la voilà étoile à nouveau d’une scintillante exposition qui nous fait revivre la légende Pontois, lumineuse reine de l’Opéra après Chauviré et inoubliable Giselle: dans un écrin qui mêle modernité et glamour Second Empire, puisqu’il s’agit d’Elefant Paname, centre de danse juste ouvert par la danseuse Fanny Fiat et son frère, après des travaux pharaoniques qui ont dégagé les boiseries et les caissons de cet ancien hôtel particulier, à quelques grands jetés du Palais Garnier. L’hommage que rend Fanny à Noëlla, princesse de ses souvenirs, est une pure merveille. Costumes, photos, dessins, vidéos de ses plus grands rôles, pour culminer sur cette loge reconstituée où Pontois reçoit, comme avant, au milieu de ses chaussons d’étoile.
On dirait que tout vous a réussi !
Noëlla Pontois : Oui, même si mes débuts furent moins évidents qu’il n’y paraît. J’étais malingre, et mes parents m’ont dirigée vers la danse dans un but médical, pour m’étoffer. A l’époque je ne savais pas ce qu’était le ballet classique. Mais dès que je l’ai rencontré, ce fut le coup de foudre. Certes j’avais un en-dehors naturel, mais je manquais de souffle et de ballon, j’avais des crampes constamment, et surtout je n’avais pas la moindre assurance. Je croyais être nulle, je me trouvais laide, et le regard de ma famille n’aidait guère. Il m’a fallu la scène pour enfin exploser hors de mes limites et me libérer de cette maladive timidité. J’avais besoin de m’offrir, de tout donner à un public. Mais je suis restée identique à la ville: je n’aime pas parler ni être mise en avant. Et je ne sais pas me mettre en colère : la seule fois où ça m’est arrivé, c’était dans un spectacle de la Cour du Louvre, avec Noureev : je gelais, et je m’en suis plainte à lui. Il m’a fustigée du regard et de sa cape, et du coup, j’ai dansé avec une fureur que je n’ai plus jamais atteinte !
Dans ce parcours glorieux, quels noms vous reviennent en premier ?
N. P. : Bien sûr les maîtres, Huguette Devanel qui m’a donné ma technique, Yves Brieux dont la marque était l’élégance, et bien sûr Chauviré, dont j’ai essayé de transmettre le style et la sensibilité, sachant que j’ai dansé plus spontanément qu’elle, chez qui tout était grand art. Et mes amis de toujours, Attilio Labis et Christiane Vlassi, à l’Opéra. Et puis tous mes fabuleux partenaires, Noureev, Baryschnikov, Bonnefous, Denard, Dupond et bien sûr le grand Cyril Atanassoff, avec lequel j’ai dansé ma première Giselle et qui a partagé toute ma carrière. Mais j’ai connu la même complicité avec tous ces magnifiques artistes, pourtant si différents.
Et parmi les chorégraphes aves lesquels vous avez travaillé ?
N. P. : Lifar bien sûr dont j’ai dansé Mirages et Suite en Blanc, si spectaculaire, si seigneurial, John Neumeier, subtil et complexe, dont j’ai interprété le Songe d’une Nuit d’été, mais surtout Roland Petit, personnage difficile certes, mais dont la patte scénique était extraordinaire. J’ai peu connu Béjart, mais j’aurais bien aimé me frotter à Forsythe, qui est arrivé après, pour le plaisir du défi physique, et d’aller au-delà de soi-même, car j’adore ce qui ne me ressemble pas. C’est ce qui est le plus libérateur. Enfin, mon plus grand regret est de n’avoir pu danser un ballet de Kylian. A l’époque il nous manquait aussi de grandes œuvres à arguments, avec de vrais rôles dramatiques à épanouir, comme John Cranko les a construits : j’ai dansé son Roméo et Juliette à 40 ans !
A ce jour, dans quoi vous investissez vous ?
N. P. : Dans mes petits enfants! Car j’ai mal profité de ma fille Miteki Kudo (également superbe danseuse à l’Opéra, notamment dans le Sacre du Printemps de Pina Bausch, et mariée à Gil Isoart, lui aussi danseur, ndlr). J’en ai deux, et la petite Jade est élève à l’Ecole de Danse de Nanterre, dans la classe de Véronique Doisneau. Moi je n’y ai pas enseigné mais j’ai été professeur pour le Ballet, et je continue de temps à autre à transmettre telle ou telle variation, comme je l’ai fait pour l’étonnante Isabelle Ciaravola, bien avant qu’elle ne devienne étoile. Mais cela reste exceptionnel, car je ne veux pas trop m’engager dans les enjeux des danseurs. Je suis un vrai buvard et je m’imprègne trop de tous les problèmes. Je n’ai pas assez de force psychologique pour y faire face et mon seul but est l’harmonie, en toutes choses.
Que faites vous de la nostalgie ?
N. P. : Rien. Je ne suis en manque de rien, je suis heureuse mais je regarde simplement avec un peu d’étonnement l’évolution de la jeunesse, qui se manifeste autant chez les petits rats de Nanterre que partout ailleurs: il leur faut du concret, du pratique, et leur vie est tellement facilitée sur le plan matériel ! Nous, nous galopions dans des couloirs sales, à l’Opéra, tout était gris, mais nous nous imbibions de la vie de la maison, nous entendions les chanteurs, nous croisions les étoiles, nous reniflions le parfum de la scène, nous dansions dans les opéras, et la grisaille devenait dorée. C’était sans prix !
Propos recueillis par Jacqueline Thuilleux, le 1er février 2013.
Exposition « Noëlla Pontois, divine étoile »
Jusqu’au 29 mars 2013
Paris - Elefant Paname (10, rue Volney, 75002)
Rens. : www.elephantpaname.com
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Photo : Francette Levieux
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