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10ème Concours International Lili et Nadia Boulanger – Avantage aux dames – Compte-rendu
33 duos chant-piano étaient sur la ligne de départ de la compétition le 5 décembre. Trois jours plus tard, la finale (au Conservatoire national supérieur d’Art dramatique comme pour la totalité des épreuves), présentée par François Le Roux, mettait en présence six duos, avec une très nette prééminence des voix féminines (4 sopranos, 1 mezzo et 1 ténor). Le jury, présidé par Ronald Zollman et harmonieusement équilibré entre chanteurs et pianistes (Anne-Sophie Duprels, Harmut Höll, Christian Immler, Sophie Karthaüser, Ann Murray, Alain Planès, Anne Queffélec, Mikhail Rudy) a attribué la récompense suprême, le Grand Prix de duo chant-piano (12 000 €), à Erika Baikoff (E.U., 25 ans) et Gary Beecher (Irl., 26 ans) (photo).
La décision paraît on ne peut plus cohérente au vu d’une prestation très convaincante dans les différents répertoires abordés. Voix légère et lumineuse, en parfait accord avec le piano, E. Baikoff séduit aussi bien dans la partie lied (deux très beaux Schubert, Die Blumensprache, Suleika, un Wolf, Lied vom Winde, porté par un clavier intensément expressif et visuel, un Strauss, Epheu, d’une onirique souplesse) qu’en mélodie française (Violon de Poulenc, Pierrot de Debussy, Les Lilas qui avaient fleuri de L. Boulanger, tous excellemment caractérisés, avec une belle prononciation – précisons que la chanteuse a été membre du Studio de l’Opéra de Lyon en 2018-2019). Sans doute un peu moins à l’aise dans la pièce imposée, El grito d’Edith Canat de Chizy (sur des vers de Federico García Lorca), Baikoff et Beecher se régalent de la finesse poétique de la Daphne de Walton et de l’élan vital des Eaux printanières de Rachmaninov.
Seule voix masculine et seul Français présent pour la finale, le ténor Ronan Caillet (25 ans) a étudié au Conservatoire de Strasbourg, avant de poursuivre ses études outre-Rhin, à la Hochschule für Musik de Leipzig, et il fait depuis deux ans équipe avec le pianiste allemand Malte Schäfer (27 ans). Prix de la mélodie (6000 €) pour leur duo : Duparc (Phydilé), L. Boulanger (Vous m’avez regardé) et Debussy (Le Balcon) montrent en effet un beau sens poétique, une intensité dénuée d’emphase et un vrai goût des mots. Mais le duo n’est pas en reste côté lied avec Schubert (Liebesbotschaft) et Wolf (An die Geliebte, Seemans Abschied). Formé par Anne Le Bozec, Schäfer manifeste une rare capacité d’écoute envers son partenaire ; le duo montre une saisissante imbrication voix/piano dans El grito et emporte Fish in the unruffled lakes de Britten avec une lumineuse ampleur.
Benjamine du 10e Concours, Ekaterina Chayka-Rubinstein (21 ans) reçoit le Prix du Lied avec la pianiste Maria Yulin (Isr. 31 ans). Riche voix au timbre chaleureux, la jeune mezzo ukrainienne possède d’évidence un bel instrument, qui réussit mieux dans le répertoire germanique (Schubert : Nachtstück ; Beethoven : Busslied ; Brahms : Och Moder, ich well en Ding Han) ou russe (Rimski : Les crêtes des nuages s’estompent) que français (Fauré, L. Boulanger, Dutilleux), pénalisé par la prononciation. Mais il y a là un vrai potentiel, qui ne pourra que bénéficier de l’invitation à participer à l’Académie Francis Poulenc (1), adressée à la chanteuse par François Le Roux.
La mention spéciale pour la meilleure interprétation d’El grito d’Edith Canat de Chizy est allée au duo coréen formé de Hyun Seon Kang (sop., 27 ans) et Uram Kim (22 ans) dont la prononciation espagnole s’avérait pourtant quelque peu défaillante. La finesse de jeu – un peu monochrome cependant – du pianiste aura sans doute pesé aussi sur le choix du jury, qui décerne par ailleurs une mention spéciale « piano » à Uram Kim. Une autre mention spéciale, chant celle-là, est allée à l’Anglaise Claire Lees (32 ans), qui faisait équipe avec le pianiste Adam McDonagh (Irl., 26 ans). Une soprano au métier déjà affirmé, stylée et élégante, quoiqu’un peu neutre dans l’expression.
Aucune récompense en revanche pour le duo Natalia Labourdette (27 ans)/Victoria Guerrero Misas. La soprano espagnole est apparue il est vrai fatiguée durant cette finale, forçant trop souvent la voix dans un programme où la qualité de prononciation (exception faite des pièces en espagnol) laissait beaucoup à désirer.
Alain Cochard
Paris, Conservatoire national supérieur d’Art dramatique, 8 décembre 2019 // www.cnlb.fr
Photo © Philippe Gontier
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