Haendel savait certainement, voyant paraître son Alcina sur la scène du Covent Garden de Londres le 17 avril 1735, qu’il avait composé ce qui deviendrait son opéra pour la postérité, à égalité avec Giulio Cesare in Egitto, antérieur de quasiment une décennie. Pourtant la magicienne n’en était pas à ses premiers pas lyriques, Caccini avait initié son abondant parcours  en 1625, mais Haendel la pare d’un tout autre ton – plus lyrique, plus sombre – et l’écrit pour une troupe de stars : Carestini, Strada, Cecilia Young ;  même  John Beard, futur héro absolu du chant haendélien, y paraît, s’appropriant le rôle d’Oronte. Haendel ajoute un chœur, étend son orchestre et en obtient des sortilèges sonores aussi économes que sidérants, et creuse la psychologie des personnages grâce au beau livret qu’une plume anonyme tira du travail d’Antonio Fanzaglia. Il faut dire qu’il est en terrain connu, et qu’il a fréquenté bien d’autres magiciennes tombées en amours. Mais la nostalgie dont il pare les deux lamentos d’Alcina a rendu le rôle irrésistible pour bien des sopranos, de Joan Sutherland à Arleen Auger.

Cette carte du tendre aussi émouvante qu’irrésistible retrouve le Festival d’Aix-en-Provence où jadis Christiane Edda-Pierre et Teresa Berganza s’aimaient et se déchiraient. Cette fois la Magicienne sera confiée aux soins de Patricia Petibon, et son Ruggiero sera un garçon, au figuré comme au propre, Philippe Jaroussky lui-même. On guettera avec intérêt le Bradamante de Katarina Bradić. Katie Mitchell signe la mise en scène, Andrea Marcon mettra un peu d’italianità au Freiburger Barockorchester pour une interprétation qu’on espère aussi inspirée qu’informée.

Jean-Charles Hoffelé
 
Haendel : Alcina
Festival d’Aix-en-Provence - Grand Théâtre de Provence,
 2, 4, 10, 12, 16, 18 et 20 juillet 2015
www.festival-aix.com/fr/node/1959
Festival d’Aix-en-Provence, jusqu’au 21 juillet 2015 / www.festival-aix.com
 
Photo © Bernard Martinez