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Alcina au Palais Garnier – Décevante reprise - compte-rendu

Ceux qui ont eu la chance d’assister à la création de cette production, l’une des plus belles de Carsen, à Garnier en 1999, restent attachés à sa découverte et aux souvenirs émus qu’ils en ont conservé. Renée Fleming en majesté, dans un constant état de grâce, touchait en effet au sublime dans cette version chic et glamour d’Alcina, et celles qui depuis lui ont succédé ne l’ont jamais égalée, de la splendide Luba Orgonasova à la tragique Mirto Papatanasiu. Remonter ce spectacle sans personnalité marquante était un risque qui, au bout du compte, ne s’est pas avéré concluant.
 

© Sébastien Mathé - OnP

Pour ses débuts à l’Opéra de Paris, Jeanine de Bique (photo) méritait sans doute une partition moins exposée et plus adaptée à ses moyens qui paraissent bien étroits. La cantatrice possède un joli timbre mais la voix manque de chair et sa technique ne lui permet pas de briller dans ce rôle qui demande une tout autre envergure, un sens du drame, un soyeux, un drapé vocal. La silhouette est agréable mais l’interprétation larmoyante distille un ennui que rien ne dissipe. Dans le rôle de Morgana, taillé sur mesure pour Dessay et repris plus tard avec un charme et une maestria totale par Ciofi et Piau, Sabine Devieilhe que l’on pourrait prendre pour un débutante tant elle a l’air peu sûre d’elle, est bien décevante. Tirant constamment le personnage de servante délurée vers la soubrette, la comédienne est bien pâle, tandis que vocalement la colorature cherche vainement un medium qu’elle n’a pas pour passer l’orchestre et se réfugie le plus souvent dans un suraigu acide et inaudible.
 

Rupert Charlesworth (Oronte) @ Sabine Devieilhe (Morgana) © Sébastien Mathé - OnP

Autre sujet de déception, la présence de Roxana Constantinescu en Bradamante, mezzo rocailleux au chant essoufflé et à l’aigu ouvertement hurlé. Gaëlle Arquez fait meilleure impression dans le rôle travesti de Ruggiero ; pour autant cette dernière court également après un medium qui lui échappe et ses ornementations prudentes ne soulèvent jamais l’auditeur de son fauteuil. Dans des rôles sans épaisseur dramatique Nicolas Courjal (Melisso) et Rupert Charlesworth (Oronte) sont d’honnêtes utilités, soutenus comme leurs consœurs par la baguette vigoureuse et documentée de Thomas Hengelbrock, à la tête du Balthasar Neumann Ensemble aux cordes fruitées.

Transposée dans un vaste appartement bourgeois inhabité, dont les parois s’ouvrent parfois sur d’infinis jardins, où Alcina retient ses amants prisonniers, réduits à l’état d’objets et pour beaucoup à leur nudité, l’action se déroule toujours avec la même élégance teintée d’érotisme, même si la proposition initiale de Carsen a perdu de sa poésie et de son raffinement au fil des reprises.

François Lesueur

Haendel : Alcina – Paris, Palais Garnier, 28 novembre 2021 ; prochaines représentations le 30 novembre, les 6, 8, 13, 15, 17, 19, 21, 26, 28 et 30 décembre 2021// www.operadeparis.fr/saison-21-22/opera/alcina
 
Photo © Sébastien Mathé - OnP

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