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Carl Ghazarossian et Emmanuel Olivier interprètent « Qu’as-tu fait de ta jeunesse ? » (1 CD Hortus) – Pépites verlainiennes

Décidément, Carl Ghazarossian et Emmanuel Olivier gâtent les amoureux de mélodie française ! Après un magnifique programme Poulenc (« Le Cœur en forme de fraise » – Hortus) en 2023, le ténor et son fidèle accompagnateur sont à nouveau réunis autour de leur cher Pleyel 1905 pour un récital intitulé « Qu’as-tu fait de ta jeunesse ? ». Bâti autour de Verlaine, il réunit sept poèmes – « Le ciel est, par dessus le toit » (dont le dernier vers inspire le titre de l’album), « Green », « C’est l’extase langoureuse », « Spleen », « O triste, triste était mon âme », « L’allée est sans fin » et « Un grand sommeil noir » – déclinés en un total de vingt-quatre mélodies.
C’est dire la diversité des approches, mais aussi le nombre de découvertes, souvent extraordinaires, que l’on effectue. À côté de pages fameuses de Fauré, Debussy ou Hahn, la rareté est le maître-mot avec de véritables pépites signées Charles Bordes, Sergueï Bortkiewicz (seul auteur étranger, représenté par un « Le ciel est par-dessus le toit » aux accents pucciniens), Joseph Canteloube, André Caplet, Gabriel Dupont, Paul Ladmirault, Sylvio Lazzari, Lucien Mawet, Déodat de Séverac, Florent Schmitt, Joseph Szulc, Edgar Varèse et Louis Vierne.

© Marian Andreani
Le Verlaine de la période rimbaldienne
Ce n’est pas la première fois que Carl Ghazarossian se lance dans une telle entreprise. A l’époque de ses études au Conservatoire de Paris, déjà, Claude Lavoix l’avait fait travailler sur diverses mises en musique de poèmes de Verlaine en vue d’une émission à la radio. En 2015, avec le pianiste David Zobel (et déjà pour le label Hortus), le chanteur s’était à nouveau penché sur ce poète avec un disque intitulé « Donneurs de sérénades ». « Je m’étais concentré là sur des poèmes issus des Fêtes galantes et de La Bonne Chanson, c’est à dire la période Mathilde Mauté – la jeune épouse de Verlaine. J’avais en tête la période rimbaldienne, que je trouvais encore plus excitante par le sujet, les musiques, les auteurs. »

Chasse aux raretés
Après deux disques avec Emmanuel Olivier chez Hortus (« J’aurais voulu être chanteuse » et « Le Cœur en forme de fraise »), le ténor retrouve donc son complice pianiste pour « Qu’as-tu fait de ta jeunesse ? ». Le contenu de l’enregistrement laisser imaginer le travail de recherche mené en amont par le ténor, sur le site lieder.net, à la Bibliothèque nationale ou encore la Bibliothèque de l’Académie Francis Poulenc que dirige François Le Roux – envers lequel Carl Ghazarossian ne manque pas de reconnaître sa dette pour la réalisation du disque qui sort aujourd’hui. Mais Emmanuel Olivier est intervenu aussi, en dénichant par exemple la partition de « O triste, triste était mon âme » de Florent Schmitt, qu’il eût été bien dommage de négliger.
Les interprètes ont évidemment dû faire des choix, en raison des contraintes de minutage, et mettre certaines pièces de côté ; effectuer des choix de tessiture parfois pour le chanteur. Le résultat est en tout cas là, admirable et rigoureusement indispensable à tous les férus de mélodie française.

Emmanuel Olivier © Charles Plumey
La musique fait le travail
Par delà le bonheur des très nombreuses découvertes que l’on y effectue, « Qu’as-tu fait de ta jeunesse ? » séduit tout autant par le déroulement harmonieux de son programme. Pas de regroupement par poème, mais un mélange très équilibré des diverses déclinaisons musicales des textes, ce qui, souligne Carl Ghazarossian, « permet de mieux caractériser chacune des mélodies, même les plus méconnues. Comme ce sont de bons compositeurs, la musique fait le travail. ». Et de prendre l’exemple du « C’est l’extase langoureuse » de Paul Ladmirault, pièce remarquable qui, entre les versions Fauré et Debussy, peut se déployer dans toute son originalité, « avec sa grande introduction arpégée du piano et le côté orientalisant dans la musique et l’harmonie, très inspirant. »
Pour un résultat inspiré, ô combien ! Chanceux ont été, le 23 mars, les élèves de François Mulard au Conservatoire de Tourcoing, qui ont pu bénéficier d’une masterclass de Carl Ghazarossian et Emmanuel Olivier. On retrouvera le duo dans le même établissement, le 29 mars (à 15h30) pour un récital que le ténor décrit comme un medley des trois disques enregistrés avec Emmanuel Olivier chez Hortus.
Alain Cochard
(Entretien avec Carl Ghazarossian réalisé le 7 mars 2025)

> Les prochains concerts de musique vocale <
(1) 1 CD Hortus 240
Carl Ghazarossian & Emmanuel Olivier
Samedi 29 mars 2025 – 15h30
Tourcoing – Conservatoire (Auditorium Albert Rousse)
www.atelierlyriquedetourcoing.fr/melodies-francaises-29-03-25/
Photo © Marian Andreani
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