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Carte blanche à Agnès Letestu à Massy - Atout maître - Compte-rendu

On la voit fine, élégantissime en robe haute couture autant qu’en collant ou tutu, musicienne attentive dans les salles de concerts, souveraine ou dramatique dans sa danse. Et surtout, à l’approche de la quarantaine, âge fatidique où les personnalités fragiles des danseurs passent par les Fourches Caudines, elle assume harmonieusement une deuxième vie à venir de styliste créatrice de costumes : Agnès Letestu nous tient depuis vingt ans sous le charme de son clair visage, de ses jambes interminables, de son sourire éclatant, et de son mètre soixante-dix-sept.
Elle émerveilla Noureev, lequel la voulut à tout prix dans La Bayadère, alors qu’elle n’était que sujet, et Claude Bessy, qui la considérait comme sa meilleure élève à l’Ecole de danse. Aujourd’hui elle montre qu’elle a de multiples atouts dans son jeu : témoin cette Carte Blanche à l’Opéra de Massy, qu’elle a abattue comme une ouverture aux chorégraphes et aux danseurs avec lesquels elle se sent en symbiose, qu’ils soient de sa génération ou presque gamins.

Subtilement, elle a glissé dans cette galerie de pièces contrastées une sorte de portrait d’elle, bien plus tourmentée qu’il n’y paraît : de Dostoïevski, mis en pas par Pierre Lacotte spécialement pour elle et le beau Stéphane Bullion, à Lady Macbeth, repensée et dansée par Pascaline Noël, et aux tourments de l’incomparable Dame aux Camélias de Neumeier, dont elle fut une interprète habitée à l’Opéra. Et puis du rire, du champagne avec Mi Favorita, de son complice José Martinez, du léger comme la Tarentella enlevée par deux fringants danseurs de l’opéra, Charline Giezendanner, et François Alu, tout jeune lutin bondissant dont on attend impatiemment les futures prises de rôles à l’Opéra. Ses sauts prodigieux, sa batterie et ses pirouettes ont électrisé la salle dans l’accrocheur Les Bourgeois, sur la chanson de Brel.

Letestu, elle, flottait dans sa sphère, à des années lumière des autres interprètes tant est grande la distance qui sépare le premier danseur de la vraie étoile. Portée et secondée admirablement par Bullion, lui aussi étoile, elle ouvrait son monde souterrain tout en s’offrant le luxe de faire la gamine à nattes sur la chanson de Piaf « Non, Je ne regrette rien » .

De la danse encore, et on l’espère, longtemps, la création de costumes vifs et allurés, notamment ceux du Marie Antoinette présenté à l’Opéra Royal de Versailles les 3, 4 et 5 novembre par le Ballet de l’Opéra de Vienne que dirige Manuel Legris, le théâtre un jour peut-être ! On redemande Mademoiselle Letestu !

Jacqueline Thuilleux

Opéra de Massy, 16 octobre 2011

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Photo : DR
 

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