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« Carte blanche » à Lucilla Galeazzi à Gaveau - Leçon d'italianité - Compte-rendu


La quête du chant italien à la recherche de ses racines aura été, ces dernières décennies, l'un des aspects majeurs caractérisant le travail des musiciens traditionnels dans la péninsule. Car foisonnement il y a ici, qui est solidaire d'un mystère collectif qui mélange dans les esprits signe écrit et oralité, répertoires savant et populaire.

Dans ce domaine, il y a eu, à l'origine, les intuitions fondatrices de Giovanna Marini qui, telle un Bartok méditerranéen, parcourut toute l'Italie pour en recueillir la mémoire rurale et urbaine. Une raccoltà globale, en quelque sorte, qui prenait acte de la pluralité des dialectes régionaux dans ce qui allait devenir Le Nuovo Canzoniere Italiano.


De cette pionnière insigne, l'Ombrienne Lucilla Galeazzi est l'héritière, elle qui rejoignit le Quatuor vocal Marini dès 1977, tout en menant dans le même temps une carrière de soliste très remarquée.

Star d'un canto revenu aux sources, elle était, ce jeudi, l'invitée des Concerts parisiens pour une « carte blanche » suivie par une Salle Gaveau quasiment comble et très enthousiaste. Une soirée mémorable où elle se faisait tour à tour torrent et tornade, ou, à l'opposé, murmure amoureux, songe ludique ou nostalgique.

Pour autant, face à ce triomphe, quelques esprits incurablement musicologiques n'auront pas abdiqué tout sens critique. Et d'abord, à propos des invités, qui étaient des faire-valoir en l'occurrence, tels le contre-ténor Philippe Jarrousky et Christina Pluhar au théorbe, le premier ré-inventant un Monteverdi au dolorisme trop complaisant dans le fameux Si dolce è'l Tormento, tiré d'une compilation de 1624.


Autre regret pour les baroqueux : cette impasse sur la tarentelle, emblème avant tout autre d'un Mezzogiorno pris au piège de ses fantasmes comme de ses rêves. Une absence qui surprend d'autant plus que, sauf erreur de ma part, le timbre agile de la soliste s'y est illustré dans un passé proche. Mais basta! Cette affiche était, rappelons-le, une «carte blanche» et Lucilla Galeazzi y a bien évidemment mis ce qu'elle voulait mettre, quitte à se montrer trop parcimonieuse avec les musiques hautes époques. Un dernier bonheur : la ferveur du choeur La Manufacture, un ensemble français à géométrie variable, parfaitement préparé par Aurore Tillac.


Roger Tellart

Paris, Salle Gaveau, 6 octobre 2011



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Photo : DR

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