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Compte-rendu : Bruckner, pas tout à fait - Lorin Maazel et le Philharmonique de Munich
Bruckner déteste le verbe faire, il est. Cette donnée première, inaperçue par Lorin Maazel, grevait infailliblement sa remarquable lecture de la 8e Symphonie avec une phalange rompue de tout temps à ce répertoire, le Philharmonique de Munich.
Maazel est toujours dans le factuel, il montre, il démontre, son art souverain, qui s’embarrasse de plus en plus de coquetteries (pianissimo subito téléphoné, port de voix, soulignement d’un détail de phrasé qui devient ostentatoire), n’ignore aucune des arcanes de l’œuvre, qu’il dirige d’une mémoire omnisciente. Pourtant il n’est pas parvenu à faire sienne cette partition gigantesque.
Une des clefs de l’échec réside dans cette façon presque incongrue qu’il a de sectionner la musique. Bruckner écrit des silences, à chaque fois Maazel y arrête le souffle musical d’un petite boucle de la main droite, là où, dans ces mêmes silences, Jochum, Karajan, Celibidache ou Wand, pour prendre quatre brucknériens majeurs que nous avons vus en concert, maintenaient la battue du temps, engageaient entre les ombres harmoniques une respiration, une pulsion, un cœur. A force d’envisager l’œuvre dans sa seule linéarité, Maazel n’en perçoit que le décor (au sens large du terme, sans connotation péjorative), ne voit pas les colonnes et les architraves, ne rend jamais compte de l’architecture et guère plus du travail essentiel sur le temps, élément fondateur de la pensée du compositeur comme de son langage.
Méprise irréparable, mais l’on passait au-dessus tant les Munichois jouaient à perdre leurs âmes, splendides, somptueux, engagés (ce ressac des violoncelles au début de l’Adagio…), éperdus, avec un son ardent qui justement se souvenait et de Wand et de Celibidache. Les ombres de leurs deux dieux tutélaires en Bruckner, savamment protégées par Christian Thielemann, ne les avaient toujours pas quittés. A leur façon ils les célébraient, même en se pliant au magister démonstratif de leur nouveau directeur musical.
Jean-Charles Hoffelé
Paris, Théâtre des Champs-Elysées, le 13 mai 2010
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Photo : DR
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