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Compte-rendu - Carmen à l’Opéra Comique – Antonacci, somptueuse Carmen
C’est de toute évidence l’événement de cette fin de saison parisienne. Carmen de retour à l’Opéra Comique, dans ce théâtre où elle a été donnée pour la première fois en 1875 et où elle n’avait plus été entendue depuis treize ans. Dès les premiers accords assénés de manière cinglante par Sir John Eliot Gardiner, on ne peut que se réjouir de retrouver l’œuvre là où elle est née. Généreux dans sa manière d’aborder la partition avec un enthousiasme juvénile, Gardiner réussit la synthèse entre le drame passionnel, le suspense psychologique et l’étude de mœurs populaire sur fond d’Espagne éternelle : son Orchestre Révolutionnaire et Romantique a de l’allure, du cran pour affronter ces pages patrimoniales et sa lecture beaucoup de caractère.
Empoignant l’ouvrage avec appétit, une soif du détail et une fougue contagieuses, il dispense une belle énergie dans les ensembles « Le ciel ouvert la vie errante », le final du 3, et souligne avec sensibilité les nombreux passages nuancés (Duo José/Micaëla, Trio des cartes, intermèdes) qui ponctuent l’intrigue de respirations nécessaires. Le rétablissement de plusieurs scènes souvent coupées, comme celles des couplets de Moralès au 1er acte, du guide qui mène Micaëla au repère des contrebandiers, ainsi que l’allongement du duo José/Escamillo et la totalité des choeurs du 4ème acte, montrent avec quel attachement le chef britannique s’est acquitté de sa tâche.
La production d’Adrian Noble, ne brille ni par son audace, ni par son originalité, l’action resserrée autour de diverses formes circulaires (citerne, estrade, arène) suivant son cours au gré d’images convenues où règne une agitation de circonstance qui trahit une gestion du plateau simpliste et limitée. Ces bras remués en tout sens, ces masses déplacées en bloc, ces jupes relevées à la moindre occasion, pour rappeler qu’il fait chaud et que l’on est en Espagne pourraient être pittoresques : il ne s’agit là que de facilités.
Fille du peuple sensuelle et provocante comme une Sofia Loren ou une Gina Lollobrigida, décolleté plantureux, taille prise et coiffure à la diable, Anna Caterina Antonacci est la plus somptueuse des Carmen. Poursuivant son exploration du personnage - après Londres dirigée par Francesca Zambello et Toulouse par Nicolas Joël - elle privilégie la jeunesse, l’insolence et la gaîté de l’héroïne, traits souvent occultés au profit des seuls attributs de la femme fatale, sa relation avec Don José n’étant pour une fois pas vécue comme une tragédie, mais comme uns histoire d’amour ratée, où l’affrontement n’a lieu qu’au moment de leur ultime confrontation. Libre de son corps, elle fait le vide autour d’elle, son chant épuré, souple et envoûtant s’accordant parfaitement aux passages parlés, dits avec une justesse et une simplicité exemplaires.
Andrew Richards n’a pas la personnalité de Jonas Kaufmann, partenaire à ce jour insurpassable de la soprano, mais son Don José, au fort accent, s’avère suffisamment racé et subtil pour s’imposer auprès d’une pareille interprète, notamment pendant le duo final, où son retour inattendu crée plus de pitié que de rage. Nicolas Cavallier, droit dans son habit de lumière, incarne un honnête Escamillo, à la justesse toutefois approximative, Anne-Catherine Gillet est une charmante Micaëla, dépourvue de tout instinct théâtral (la voir plantée comme un piquet pendant son air fait mal au coeur !), le reste de la distribution étant correctement défendu par Riccardo Novaro (Moralès), Matthew Brook (Zuniga), Francis Dudziak (Le Dancaïre), Vincent Ordonneau (Le Remendado), Virginie Pochon et Annie Gill, pétulantes Frasquita et Mercédès.
François Lesueur
Bizet : Carmen – Paris, Opéra Comique, 15 juin 2009
Retransmission du spectacle le 25 juin en direct dans une cinquantaine de salles de cinéma et sur les ondes de France Musique le 30.
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Photo : DR
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