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Compte-rendu - Collectif mystique à Sully-sur-Loire
Préparée par de conviviales « Ballades en Bohême » au Festival d’Ambronay 2006, la redécouverte de l’école tchèque du Siècle des Lumières est devenue l’un des thèmes porteurs du réveil baroque. S’agissant d’un répertoire que les vicissitudes de l’histoire ont longtemps marginalisé, suite au poids du pouvoir politique exercé bien évidemment par les Habsbourg, régnant tout ensemble à Vienne et Prague.
Fort heureusement, le grand retour de l’école bohémienne est aujourd’hui réalité, comme vient encore de le prouver le Festival de Sully et du Loiret qui avait fait de Jan Dismas Zelenka l’une des figures majeures de sa 36ème édition.
Génie singulier et sensible, de son vivant admiré par les plus grands (dont Jean-Sébastien Bach et Telemann), Zelenka n’aura été victime, en définitive, que de sa trop grande discrétion. Par bonheur, ses œuvres parlent pour lui, supérieurement inspirées dans tous les genres, du stile antico au style concertant (rappelons que ce catholique fervent, formé chez les Jésuites de Prague, accomplit l’essentiel de sa carrière à Dresde, métropole luthérienne où oeuvra Schütz).
Reste qu’en l’église Saint-Germain à Sully, les virtuoses pragois du Collegium 1704 (photo), impliqués dans une mise en regard avec Pergolèse en seconde partie de programme, s’intéressaient à la seule inspiration doloriste du Bach tchèque avec 9 emprunts aux Répons pour la Semaine Sainte ZWV 55. Une spiritualité fascinante s’épanche là, curieusement proche de Victoria, sous un travail polyphonique qui perpétue dans le même temps les traditions de la piété jésuite.
Ainsi un maître harmoniste est à l’oeuvre dans Caligaverunt oculi mei et Tristis est anima mea que le chef Vaclav Luks habille d’affects vrillants, en orfèvre du mot et du geste pénitentiels. Du coup, la confrontation entre ces miniatures affligées (on comprend l’admiration de Telemann à leur endroit) et l’emblématique Stabat Mater de Pergolèse, ce modèle de déploration funèbre virant à l’apologie du style concertant, prend tout son sens, s’agissant des deux aspects d’une même dévotion tournée vers la croix. En tout cas, dépassant les sommets d’intensité entrevus dans les Répons de Zelenka, le petit collectif vocal et instrumental du Collegium 1704 défie les meilleurs dans le testament pergolésien, marqué naguère par le tandem Andreas Scholl-Barbara Bonney guidé par Christophe Rousset à la tête de ses Talens Lyriques.
Mais surtout, un esprit véritablement liturgique habite l’équipe tchèque, en parfaite harmonie avec le génie de l’œuvre (c’est au Couvent des Capucins de Puozzoli que le compositeur, sur le point de mourir, termina ledit Stabat, voué d’entrée à un succès triomphal dans l’Europe du temps). Plus simplement, Vaclav Luks, fort d’un instrumentarium à sa dévotion, retrouve avec un concert de deux voix féminines comme une virginité d’accents, hors de tout débat musicologique, cependant que le timbre de la soprano Hanna Blazikovà, au visage de madone à la Greco, cache comme une blessure mystique. Ne serait-ce que pour ce très rare bonheur d’écoute, ce Stabat né sur les bords de la Moldau restera longtemps dans nos mémoires.
Roger Tellart
Festival de Sully-sur-Loire, église Saint-Germain, 13 juin 2009
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Photo : DR
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