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Compte-rendu : Conte noir - Treemonisha de Scott Joplin au Châtelet
Voilà, Paris a vu Treemonisha. On passe sur les décors de Roland Roure, inspirés de loin par le Douanier Rousseau, hésitant entre naïveté et pauvreté, dont l’élément le plus convaincant reste le rideau de scène, et aussi sur la régie de Blanca Li, empêtrée par le sujet, manquant de rythme, réduisant un peu vite les sorciers à des rôles comiques.
Le I se traîne, mais Joplin en est en au fond responsable, qui installe tout dans une certaine convention, le II a plus de vigueur naturelle, grâce aux sorciers justement, et le III, avant son étonnant slow drag final peine lui aussi, alourdi par les bons sentiments (lesquels inspirent tout de même le plus bel air de l’opéra, avec vocalises, « Wrong is never right », très joliment chanté par Stanley Jackson).
Sur cette jolie histoire à visée moralisante, Blanca Li a voulu mettre l’étoffe des rêves, y infuser l’atmosphère du conte. Alors même que Joplin voulait en faire un opéra réaliste transcrivant jusque dans ses ridicules l’univers des nègres des plantations. Lorsque le rêve rencontre le livret – le sommeil des ramasseurs de coton – cela fonctionne ; ailleurs la donnée dramatique de l’œuvre et ses enjeux politiques restent comme invisible aux scénographes. La nuit étoilée qui ceint Treemonisha au III est belle, mais ne dit rien du fait qu’elle va devenir au fond un personnage public : une femme nommée à sa tête par une communauté noire.
Distribution inégale : basses et barytons un rien captifs – les sorciers ne feraient pas peur à une mouche – deux beaux ténors, Stanley Jackson et Loïc Felix – une magnifique Treemonisha, Adina Aaron, à suivre - elle sera demain une vraie mozartienne -, le Ned vigoureux de Willard White, très habilement joué.
Mais tous n’avaient d’yeux et d’oreilles que pour la Monisha de Grace Bumbry (photo), émouvante, encore en bonne voix (quelle Clytemnestre elle ferait !), royale de port. La salle lui fait une ovation. Tous reprennent un second final plus dynamique, encombré hélas de chorégraphies fatalement un peu hip-hopantes (la mode…), soudain, l’Ensemble Orchestral de Paris trouve le rythme qu’il a consciencieusement fui la soirée durant. Tout arrive à qui sait attendre.
Jean-Charles Hoffelé
Scott Joplin : Treemonisha : Théâtre du Châtelet, le 2 avril, puis les 4, 6, 8 et 9 avril 2010
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Photo : Marie-Noëlle Robert
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