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Compte-rendu : Ivan Fischer et l’Orchestre du Festival de Budapest - Un programme déconcertant
Il y a des soirs comme ça où l’on se demande ce qu’on est bien venu faire pour entendre des gens qui eux-mêmes semblent ne pas savoir ce qu’ils ont voulu faire… Ainsi du concert que vient de diriger Ivan Fischer à la tête de son Orchestre du Festival de Budapest. Première partie Wagner, seconde partie Stravinski. On comprend que la mezzo allemande Petra Lang, la grande Brangaene de la dernière décennie, ait été convoquée pour chanter les Wesendonck Lieder, sublime esquisse de Tristan et Isolde.
En fait, on a surtout compris pourquoi on ne lui a toujours pas demandé d’interpréter la maîtresse après la servante… Tout commence assez mal avec le premier des cinq poèmes, soliste et orchestre ne s’étant pas préalablement mis d’accord sur un diapason commun. Les premières mesures de flottement passées, les grandes cantatrices savent réagir à ce genre d’accident. Mme Lang est restée impavide. Tout le monde repartit d’un meilleur ton au deuxième Lied : ouf ! Mais le timbre monochrome de la mezzo ne laisse en rien présager les mille couleurs dont Wagner allait parer les airs de sa chère Isolde, conséquence d’un des amours les plus ravageurs qu’ait connus l’Occident.
La soirée s’était ouverte sur la manière de plaisanterie musicale que constitue Siegfried Idyll, écrit en hommage à l’épouse légitime cette fois, où les principaux thèmes du Ring s’entremêlent, Richard caressant sa chère Cosima comme Siegfried réveillant Brünnhilde sur son rocher à la fin de Siegfried… Chef et musiciens y mettent un je-ne-sais-quoi d’appliqué et de scolaire qui gâche la fête. Avec Petrouchka dans sa version de 1947, on est à des années lumières du mysticisme érotique de Wagner : c’est le bœuf gras après les filles fleurs.
Du moins, la marionnette de Stravinski donne-t-elle l’occasion à l’orchestre de démontrer sa réactivité, son brio à fleur de note à la limite de l’insouciance. Il en rajoute une louche avec un bis drôle emprunté à Ernst von Dohnanyi, l’un des plus grands musiciens hongrois du XXe siècle, dont le petit-fils s’appelle Christoph von Dohnanyi et dont le fils fut assassiné après avoir participé à l’attentat contre Hitler en 1944.
Jacques Doucelin
Paris, salle Pleyel, 9 janvier 2010
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Photo : DR
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