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Compte-rendu : La Bastille refait ses contes - Les Contes d'Hoffmann d'Offenbach
L’imposante production des Contes d'Hoffmann réalisée par Robert Carsen pour la Bastille avait impressionné lors de sa création en mars 2000. Sa lourde machinerie, ses décors saisissants qui transportent le public du bar d'un théâtre (prologue) aux coulisses d'un opéra en train de se jouer (acte 1), vu successivement de la fosse d'un orchestre (acte 2), puis du plateau (la Bastille faisant face aux sièges animés de Garnier, créant ainsi une puissante mise en abyme) avaient tout pour la faire entrer au répertoire, à la différence du spectacle précédent confié à Roman Polanski.
On se réjouit de la retrouver une nouvelle fois, d'autant que la distribution réunie pour cette reprise s’avère de loin la meilleure. Dans le rôle-titre, le jeune Giuseppe Filianoti, entendu au Châtelet en 2005 dans La Rondine de Puccini, se livre sans aucun ménagement aux divagations poétiques et amoureuses du héros, dont il transcende les difficultés vocales - avec quel lyrisme, quelle résistance et quels efforts d'intelligibilité - et saisit chaque facette avec un mélange d'abandon et de sincérité qui lui ont valu tous les suffrages. Après le piètre Janez Lotric, caricature de ténor, et Neil Shicoff, déjà dépassé par la tessiture en 2002, pour ne citer qu’eux, Filianoti est le premier à répondre aussi précisément à la conception du metteur en scène qui, fait rarissime, a assuré la totalité des répétitions.
Après Samuel Ramey, Bryn Terfel et Laurent Naouri, Franck Ferrari campe un diable inquiétant dont on apprécie l'engagement scénique et les transformations physiques (impresario mafieux, savant fou, chef d'orchestre...), mais dont la belle voix habituellement riche et mordante n'a pas semblé au meilleur de sa condition (fatigue passagère ?). Les instruments trop légers de Mesdames Mentzer et Kirchschlager s'étaient perdus sur l'immense plateau parisien, ce qui n'est pas le cas de celui d'Ekaterina Gubanova, Nicklausse et Muse au chant opulent et coloré.
Aussi amusante que virtuose, Laura Aikin (Olympia) est l'interprète idéale pour succéder sans démériter à Natalie Dessay et à Désirée Rancatore et répondre aux facéties prêtées à cet automate sexuellement débridé, tandis qu'Inva Mula vibrante et passionnée, trouve en Antonia l'un de ses meilleurs emplois et fait oublier les pâles prestations d'Andrea Rost et de Ruth-Ann Swenson.
Béatrice Uria-Monzon incarne une séduisante Giulietta, plus large encore de timbre qu'en 2002, l'indispensable Alain Vernhes (Luther, Crespel), le toujours juste Léonard Pezzino (Andres, Cochenille, Frantz, Pitichinaccio) et Yuri Kissin (Schlemil) s'avérant de parfaits comprimari, dirigés avec goût, pertinence et probité musicale par Jesus Lopez-Cobos, déjà dans la fosse en 2002. Une soirée qui laissera forcément des traces à ceux qui auront eu la chance d'y assister.
François Lesueur
Offenbach : Les Contes d’Hoffmann – Paris, Opéra Bastille, le 7 mai, puis les 12, 17, 20, 23, 26, 29 mai, 1er et 3 juin 2010
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Photo : Opéra National de Paris
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