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Compte-rendu : Octopus de Philippe Decouflé - Mais où est passé le 9e tentacule ?
Ni queue ni tête dans cet Octopus, nouvelle fantasmagorie chorégraphique signée Philippe Decouflé, célèbre depuis qu’il donna un ton étrange à la Cérémonie d’ouverture des Jeux d’Albertville en 1992 : mais que de bras, de jambes, de jeux de mains entrelacés avec une extrême habileté, de la violence à la poésie surréaliste, par ce ludion atypique qui manie tellement mieux le geste que le verbe. Un univers à la fois brut et sophistiqué, fait de poèmes chorégraphiques dont le fil est le lien qui ondule d’un corps à l’autre, qu’il soit d’âme, de chair ou de ficelle, porté par le duo mouvant des musiciens Pierre le Bourgeois et Labyala Nosfell, remarquables. On bascule dans l’inconnu, sans repères de sens ou d’argument, car comme toujours chez Decouflé, maître des nouveaux univers vidéo,- on aura remarqué sa mise en scène de la dernière revue du Crazy horse,- l’humble prodige du cirque rejoint les extrêmes glacés du kaléidoscope, dont les variations épousent, prolongent ou guident celles du corps. Le guide en est ci le lien, qui ondule de l’un à l’autre, qu’il soit d’âme, de chair ou ficelle.
On retrouve parfois un peu de l’univers d’un Alwin Nikolaïs, pionnier, dans les années 60, de ces recherches, mais avec beaucoup plus de chair. Car pour loufoque, gymnique ou abstrait qu’il soit, Decouflé, reste, et c’est sa grande force, un homme de spectacle proche du public, auquel il propose des danseurs qui ont le corps de tout le monde, à cela de plus qu’ils en font des outils formidablement expressifs. Aucune uniformité académique ou esthétique dans ces huit personnages: il y a le petit râblé, à la limite du gros, l’immense noir d’ébène et de bronze, plus Minotaure qu’humain, la grande bringue marrante, la petite brune hystérique, la rousse vive et piquante. Baladins plus que danseurs, ils se lancent dans un bric à brac de pas enchevêtrés avec une conviction irrésistible, sur laquelle plane la vision immanquable de l’homme aux grandes oreilles, Christophe Salengro, totem de Decouflé depuis toujours.
Univers enfantin, érotique aussi, où alternent des séquences qui ont nom Jalousie, Shiva pas, des squelettes, des talons aiguilles, un Boléro et une saisissante évocation du Radeau de la Méduse. Du vrac comme une boîte à joujoux d’où ne serait jamais absente la tête d’un diable surgissant au bout d’un ressort, et une étrange émotion qui finit par monter : celle du non-sens, du vide, vraie problématique de l’art contemporain. Decouflé y navigue comme en apesanteur et l’on se dit que si Dieu, las de sa création humaine, en avait lancé les morceaux en l’air, cela pourrait ressembler à cela.
Jacqueline Thuilleux
Octopus, par la compagnie DCA de Philippe Decouflé – Paris - Théâtre National de Chaillot, 20 janvier 2011, jusqu’au 4 février 2011. Rens. : http://theatre-chaillot.fr
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Photo : Xavier Lambourg
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