Le Festival de Pâques de Deauville a contribué depuis une dizaine d’années à l’essor de nombreux jeunes interprètes. On ne peut à ce propos que rendre hommage au flair du directeur artistique de la manifestation, Yves Petit de Voize, qui a l’art de déceler le potentiel de musiciens tout juste à l’orée de leur parcours. Avec ce festival, il leur offre les moyens de développer leur goût du partage musical dans des programmes chambristes aussi atypiques que séduisants.

Chaque année on trouve à Deauville des habitués, dont la carrière est déjà bien amorcée mais qui demeurent néanmoins fidèles au festival, en compagnie de nouveaux venus. C’était le cas le week-end passé avec le jeune ensemble à vent Initium (photo), pour la première fois présent dans la cité normande. Dire que l’école française des vents est d’un niveau extraordinaire revient à enfoncer une porte grande ouverte, mais qu’il est bon de goûter à cette évidence…

Dédiée au répertoire tchèque, la soirée à laquelle participe Initium débute avec le merveilleux septuor Mladi (Jeunesse) de Janacek, composition tardive dont la richesse et l’énergie vitale ne laissent de surprendre, en particulier quand des instrumentistes de ce niveau s’en emparent. Du piccolo à la clarinette basse, chacun trouve il est vrai matière à s’exprimer dans une composition dont on n’a pas souvent ressenti l’enthousiasmante fraîcheur avec des couleurs aussi « fruitées » et une telle complicité entre les exécutants.

Le Concertino pour piano et six instruments de Janacek réunit ensuite Bertrand Chamayou, Amaury Coeytaux, Pauline Fritsch, Lise Berthaud et trois membres d’Initium : Nicolas Ferré (clarinette), Frank Sibold (basson), Julien Desplanque (cor). Le jeune pianiste exacerbe la rythmique de l’ouvrage et en assume pleinement la dimension percussive quand il le faut. Sa conception radicale, sans concession peut surprendre au premier abord, mais lorsque se referme avec éclat l’Allegro conclusif, on comprend qu’il s’est d’abord agi pour Chamayou et ses partenaires de révéler la poésie d’une composition méconnue et d’une profonde modernité.

Mené avec fraîcheur, lyrisme, tendresse et humour par Amaury Coeytaux, Pauline Frisch et Lise Berthaud, le savoureux Terzetto pour 2 violons et alto op 74 de Dvorak prélude à la Sérénade pour vents, violoncelle et contrebasse op 44 du même auteur. Les archets de Victor-Julien Laferrière (violoncelle) et Yann Dubost (contrebasse) s’allient à l’Ensemble Initium dans un ouvrage superbe et trop rare au concert. Cette partition étrange, à la fois héritière du classicisme et pleine de couleurs romantiques, trouve en ses interprètes l’énergie requise mais aussi une intelligence poétique qui souligne l’humeur parfois ambiguë de l’œuvre (irrésistible Andante con moto !).

De nouveau sur scène le lendemain, Bertrand Chamayou retrouve son collègue Jonas Vitaud pour le récital à quatre mains et à deux pianos qui fait depuis quelques années partie des habitudes du Festival de Pâques. Huit pièces à quatre mains tirées des Jatekok de Kurtag montrent les deux interprètes fusionnant idéalement leurs jeux dans des miniatures qu’ils explorent avec autant de poésie que de sens du détail.

Changement de ton avec la transcription pour deux pianos que Bartok réalisa du Mandarin merveilleux, mais similaire unisson des interprètes dans leur démarche. La violence et l’énergie qu’ils déploient avec de magnifiques moyens digitaux ne perdent jamais de vue l’argument du ballet et s’expriment avec une saisissante intensité dramatique.

Les deux pièces de Liszt qui suivent montrent les artistes également très attentifs à l’essence de la musique, que ce soit dans La Procession nocturne à quatre mains, pièce aussi rare qu’étrange où s’exprime la solitude de Faust, ou dans les Réminiscences de Don Juan pour deux pianos (1877). A l’instar de l’original pour piano seul de 1841, cette pièce peut sombrer dans une virtuosité banale et tape-à-l’œil. Chamayou et Vitaud déjouent magistralement ce piège et font ressentir d’une vertigineuse manière la fascination du musicien romantique pour l’ouvrage de Mozart.

Le Festival de Deauville touche à sa fin, mais il vous reste encore la possibilité de profiter de l’édition en cours les 1er, 2 et 3 mai.

Alain Cochard

Festival de Pâques de Deauville, les 26 et 27 avril 2008 Jusqu’au 3 mai 2008 – Infos : www.musiqueadeauville.com / 02 31 14 40 00 Réservations : 02 31 14 14 14

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Photo : DR