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Der Rosenkavalier à l’Opéra Bastille - Une rose de plomb - Compte-rendu
Qu’est-il arrivé au Rosenkavalier d’Herbert Wernicke, pilier du répertoire de l’Opéra Bastille depuis presque vingt ans ? (1) Conçue à l’origine pour le Festival de Salzbourg, cette élégante et imposante production défendue par d’illustres gosiers, de Fleming à Lott en passant par Graham, von Otter, Ciofi et Hawlata, n’avait jamais montré à ce point un tel déficit acoustique.
Certes l’entrée très Folies Bergère du chevalier au second acte, perché sur un immense escalier glissant, n’a jamais été confortable pour les voix – von Otter et Kirschschlager en avaient d’ailleurs fait les frais – mais aucune distribution n’avait à ce point manqué de volume et de projection que celle entendue le 9 mai.
Michaela Kaune (Feldmarschallin) est comme toujours une diseuse au charme et à la distinction toute viennoise, mais sa voix blanche et son timbre dépourvu de pulpe nous oblige à tendre l’oreille à chacune de ses interventions, ce qui compromet la qualité de l’écoute.
Pataud au saut du lit, l’Octavian de Daniela Sindram (déjà présente en 2006) manque d’énergie et d’une présence vocale suffisamment affirmée pour nous faire oublier une interprétation passe-partout, ainsi qu’un jeu d’une grande banalité. Perdue elle aussi dans ce vaste plateau, la voix d’Erin Morley (Sophie) pleine de fraîcheur et d’élan, peine à se libérer et à fendre le vide pour parvenir jusqu’au public, comme cela pourrait se faire dans un théâtre aux dimensions humaines. Très en retrait par rapport à Franz Hawlata qui avait marqué de manière indélébile le rôle du Baron Ochs, Peter Rose se contente de susurrer la partition, refusant d’appuyer le moindre effet, ce qui dénature ce personnage de rustre à la désarmante vulgarité, mais d’une vraie truculence.
Seul face à un orchestre en fusion dont il contemple, fasciné, la lave et les décibels se répandre sans contrôle apparent, Philippe Jordan, malgré de belles intuitions musicales, plus proches toutefois du symphonique que du lyrique, n’est qu’à de rares instants à l’écoute de ses interprètes qu’il couvre copieusement jusque dans le trio final, joué sans égard et sans la moindre recherche de balance. Au bout du compte, les seuls à se faire entendre, sont Martin Gantner (Faninal), Irmgard Vilsmaier (Marianne) et Eve-Maud Hubeaux (Annina) qui ne possèdent ni les plus beaux instruments, ni les mesures les plus intéressantes : un comble !
François Lesueur
(1) Elle fut pour la première fois représentée à la Bastille le 20 novembre 1997
Strauss : Der Rosenkavalier – Paris, Opéra Bastille, 9 mai, prochaines représentations les 12, 15, 18, 22, 25, 28 & 31 mai 2016 / www.concertclassic.com/concert/le-chevalier-la-rose-de-stauss-par-herbert-wernicke
Photo © Emilie Brouchon - Opéra national de Paris
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