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D’ombre et de lumière - Une interview d’Isabelle Druet
C’est une belle fille de trente et un ans, ardente et généreuse, qui chante avec une jubilation contagieuse. Et sa voix de mezzo lui ressemble : claire, large, éclatante. Pour cette autodidacte, la musique classique a été une telle découverte qu’elle n’en finit pas de s’en émerveiller. Des mots qu’elle a dits comme comédienne, des sons qu’elle a lancés du bon dieu quand elle chantait reggae et funk, elle est venue aux notes. Et son tempérament, son don, se sont enrichis d’un raffinement qui laisse augurer une grande carrière. Tout s’accélère dans ce parcours irrésistible, heureusement conduit : Révélation lyrique aux Victoires de la Musique 2010, 2e prix au Concours Reine Elisabeth 2008, beaucoup de concerts flatteurs, des rôles dans d’importants spectacles, jusqu’à cette formidable Carmen à l’Opéra National de Lorraine (1) : elle s’y est montrée solaire ou funeste. La voici lunaire, toute de délicatesse, en un CD de mélodies françaises chez APARTE (2), dont la version piano-voix des Nuits d’Eté de Berlioz, aux antipodes de l’extroversion, au sein d’une saison où on ne la quittera guère. Dès le 4 mars, elle sera au côté du Poème Harmonique à Gaveau.
Comment avez-vous pu passer de la pop au baroque ou à Massenet ?
Isabelle DRUET : Par le désir de connaissance. Je n’ai pas eu de formation musicale pendant l’enfance, et après avoir découvert le plaisir de chanter, j’ai voulu le renforcer à vingt ans par un vrai travail, pour toujours plus de plaisir. J’ai travaillé avec Isabelle Guillaud au CNSM de Paris, et le monde de l’art classique m’est tombé dessus : un éblouissement.
Votre diction et votre jeu sont ceux de quelqu’un qui a beaucoup fréquenté les planches.
I.D. : J’ai toujours adoré être en scène, et j’ai cofondé une petite compagnie de théâtre qui s’appelait La Carotte, ainsi nommée car il faut toujours avoir un objectif, comme me l’inculquait mon professeur. J’ai besoin d’un engagement vis-à-vis des autres, et je le dois aussi à mes parents, qui dans d’autres domaines que l’art, n’ont cessé de s’y employer.
Vous ne souhaitez pas être cataloguée « baroqueuse », bien que vous ayez beaucoup fréquenté ce répertoire.
I.D. : C’est le hasard ! Certes, c’est dans du baroque qu’on m’entendra le 4 mars à Gaveau, puis dans le rôle titre de Didon et Enée de Purcell, - l’absolu de la beauté - à Versailles et à l’Athénée, mais j’incarne aussi avec délices le Compositeur d’Ariane à Naxos, j’adore Berlioz, Debussy et Offenbach, ainsi que Zemlinsky, Tchaïkovski et Mahler, dans lequel je me plonge avec ivresse. Et je me réjouis de faire mes débuts à l’Opéra Bastille dans le rôle du page de Salomé, la saison prochaine.
Avec une présence scénique aussi forte, comment abordez-vous l’art plus discret du récital ?
I.D. : Parce que j’adore l’intimité qu’il me donne avec le public, et me permet d’offrir des pièces moins spectaculaires, ainsi ces magnifiques mélodies du très méconnu Halphen(3), élève de Massenet, présentes dans ce CD, que j’ai voulu ode à la nuit. J’aime raconter, et c’est ainsi que je conçois le récital, où mes choix s’emboîtent dans une direction commune. Quant aux Nuits d’Eté, j’ai hésité avant d’y apporter mon caillou là où tant de divas ont laissé leur trace de façon impérissable, notamment Régine Crespin, que j’admire par-dessus tout. Mais comme je suis venue tard au chant classique, je n’ai pas de mythe, et c’est là ma liberté.
Propos recueillis par Jacqueline Thuilleux, le 14 février 2011
(1) A Nancy du 18 février au 1er mars 2011 ( www.opera-national-lorraine.fr )
(2) « Jardin nocturne », Joanne Ralambondrainy (piano), 1CD APARTE
(3) Fernand Halphen (1872-1917)
« L’Espagnol vainqueur de Paris »
Isabelle Druet, Claire Lefilliâtre
Le Poème Harmonique, dir. Vincent Dumestre
4 mars 2011 – 20h30
Paris - Salle Gaveau
> Programme détaillé et réservation de la Salle Gaveau
Purcell : Didon et Enée (mise en scène Bernard Lévy ; Ensemble Les Nouveaux Caractère, dir. Sébastien d’Hérin)
18, 19, 20 mars 2011
Versailles - Opéra royal
http://www.chateauversaillesspectacles.fr
5, 6, 7 et 8 mai 2011
Paris – Théâtre de l’Athénée
http://www.athenee-theatre.com/programmation
Récital « complaintes et berceuses »
(Falla, Schubert, Montsalvage, Brahms, Britten)
Anne Le Bozec (piano)
21 mai 2011 -15h
Paris – Théâtre de l’Athénée
http://www.athenee-theatre.com/programmation
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Photo : DR
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