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Exposition "Choré-graphies, dessiner, danser / XVIIe-XXIe siècle" – Besançon – La mémoire du mouvement

C’est à une vision rare de documents précieux que vont convier l’Institut National d’Histoire de l’Art de Paris et le Musée des Beaux Arts et d’archéologie de Besançon, nourrie par une réflexion d’une exceptionnelle acuité sur l’art et la nécessité de noter, croquer, évoquer, codifier, expliciter la danse, qui semble une si évidente émanation d’un simple désir de vie, depuis les origines. En fait, cette autre dimension de notre corps , si elle est portée par le rapport à la nature et par nos pulsions les plus intimes, répond en fait à des injonctions au départ rituelles, sans doute, puis quasi mathématiques ou socialement très strictes, chaque époque, chaque style de danse s’inscrivant dan l’espace comme une lecture du temps.
A la source d'un art
C’est donc sur cette nécessité de la fixation du mouvement dansé et sur son histoire que se penche l’exposition menée de haute main pendant sept ans par Pauline Chevalier, conseillère scientifique à l’INHA(Institut national d’Histoire de l’art) avec un escouade de chercheurs et le soutien, comme autre commissaire d’Amandine Reyer, conservatrice des Arts Graphiques au Musée de Besançon. Depuis les vases grecs et étrusques, qui illustraient les danses antiques, notamment les panathénées, la naissance de la danse en tant qu’art pensé et organisé à des fins souvent très intellectuelles a nécessité des systèmes de notation, rares il est vrai et tous plus compliqués les uns que les autres.

© decaux-dessins-chor.graphie-bleu-1
Et Raoul Feuillet inventa le mot chorégraphie
Le premier à véritablement se pencher et tenter de résoudre le problème fut Raoul Feuillet, lequel inventa en 1700 le terme de chorégraphie, concept qui nous paraît tout naturel mais n’existait pas alors. Puis, un quart de siècle après, ce fut à Pierre Rousseau, maître à danser à la Cour d’Espagne puis à la Cour de France, de pousser plus avant la descente dans cette fixation écrite. Nombre de systèmes ont suivi, figuratifs ou abstraits et on reste stupéfait devant la complexité de la démarche. Bien évidemment, l’art de laisser ce qui est parfois qualifié de partition chorégraphique n’a rien à voir avec la représentation picturale laissée par quelques grands artistes comme Degas, ou des portraits de danseurs, ou encore les grands carrousels immortalisés par Callot et quelques autres, qui alterneront à Besançon avec les archives techniques.

© Paris, Bibliothèque-musée de l'Opéra
Richesse et difficulté
L’expo accumule ces documents, pose les questions du pourquoi et comment danser, de la transmission, de l’interprétation, et remet en mémoire les grands chercheurs du mouvement, de Vestris à Nijinsky, Lancelot ou Keersmaeker, parmi beaucoup d’autres. Grâce à des documents rassemblés dans de multiples fonds français, et dans plusieurs collections étrangères de grandes institutions ou de stocks privés.
On n’aura donc plus sur la danse l’œil spontané que l’on pouvait poser sur elle après ce long voyage dans cette synthèse du dessin et du mouvement, une fois éclairé par la prise de conscience de sa richesse et de sa difficulté. « Alors on danse… », lance la brochure de présentation ? Oui mais aussi on pense, on recense. Ayons l’œil autant que la jambe.
Et profitons-en pour découvrir les autres merveilles de ce superbe Musée récemment rénové, et dont la création précéda celle du Louvre !
Jacqueline Thuilleux

Musée des Beaux Arts et d’archéologie de Besançon, du 19 avril au 21 septembre 2025. www.mbaa.besançon.fr
Photo © Zurich, Kunsthaus, Cabinet d'Arts Graphiques
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