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Federico Colli, Case Scaglione et l’Orchestre national d’Île-de-France à Maison-Alfort – Princier – Compte-rendu
![© Radoslaw Kazmierczak](https://www.concertclassic.com/sites/default/files/styles/asset_picture_default_400x250/public/colli_c_radoslawkazmierczak43.jpg?itok=mJ74E559)
Les responsables de l’Orchestre national d’Île-de-France seraient-ils les seuls à savoir que Federico Colli est l’une des très grandes figures du piano italien d’aujourd’hui ? Une fois de plus – la quatrième, faisant suite à des invitations en 2020, 2021 et 2022 –, c’est grâce à la phalange francilienne que l’on a eu le bonheur d’entendre ce splendide musicien.
Comme lors de son dernier passage, la musique russe l’occupe, mais l’enjeu est d’un tout autre ordre cette fois. Après le délicieux Concerto n° 2 de Chostakovitch en 2022, l’interprète a en effet rendez-vous avec l’un des « monstres » du répertoire : le Concerto n° 3 de Rachmaninoff. Du redoutable « Rach 3 » on a plus d’une fois connu des interprétations exacerbées qui brûlent toute l’énergie dans le premier mouvement (avec la « grande » cadence le plus souvent) et peinent à maintenir la tension – et l’attention – jusqu’au terme de l’ouvrage.
Rien à craindre de ce point de vue avec Colli, qui envisage l’Opus 30 dans sa globalité et veille à ne pas gâcher toutes ses cartouches dans l’Allegro initial (il choisit la « petite » cadence – petite, façon de parler ...). En optant pour un tempo plutôt modéré, le virtuose ne fait aucunement le choix de la facilité, loin de là : il se donne le moyen de fouiller la partition, d’en faire ressortir toute la richesse polyphonique, avec une rare intelligence du phrasé. Il y a ceux qui cherchent l'effet et ceux qui font de la musique ... La proximité avec le soliste offerte par la configuration de la salle du POC de Maison-Alfort ne rend la chose que plus saisissante.
![© Alessandro Cremona](https://www.concertclassic.com/sites/default/files/colli_c_alessandro_cremona.jpg)
© Alessandro Cremona
Rien de maniéré, point de train de sénateur pour autant, seulement une maîtrise princière qui permet à un pianisme intense et plein de couleurs d’exprimer toute la sève de la musique de Serguei Vassilievitch – musique virtuose certes, mais où il y autre chose à faire que l’intéressant. D’autant que Scaglione et des musiciens, en très belle forme, font corps avec les intentions du soliste. L’Intermezzo est une merveille de sensibilité et de noblesse et le Finale vous tient en haleine jusqu’au dernier accord, avec là encore une vitalité rythmique et une variété de palette sonore proprement fascinantes. Magnifique !
Les organisateurs de concerts français comprendront-ils enfin qu’ils passent à côté d’un interprète absolument majeur ? ... Quant aux prochains rendez-vous avec Colli, c’est en Italie, au Danemark, en Pologne ou en Angleterre qu’ils sont fixés.
![© Kaupo Kikkas](https://www.concertclassic.com/sites/default/files/scaglione_kaupo_kikkas_0.jpg)
Case Scaglione © Kaupo Kikkas
Ondif en pleine forme donc pour une soirée toute russe, qui a commencé par le Tahiti trot de Chostakovitch, mené avec une chic et un humour irrésistibles, et se referme avec la Symphonie n° 5 de Prokofiev. Côté piano, ce dernier a signé trois sonates « de guerre » ; l’Opus 100 (1944) est aussi un ouvrage de guerre, de sortie de guerre plus exactement. Ce que Scaglione comprend en faisant ressentir le poids et la noirceur du contexte historique dans l’Andante initial. Pour mieux s’en extraire ensuite avec un Allegro marcato d’un mordant et d’une précision remarquables. Telle une méditation sur le conflit et ses horreurs, l’Adagio, puissamment vécu, prépare à l’explosion joyeuse d’un finale victorieux et chauffé à blanc où pas un pupitre n’est pris en défaut. Grand moment d’orchestre !
Alain Cochard
![](https://www.concertclassic.com/sites/default/files/logoccbreves_6.png)
> Les prochains concerts Chostakovitch <
Maison-Alfort, POC, 18 janvier 2025
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