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Festival Le Temps d’aimer La Danse de Biarritz - La mosaïque - Compte rendu
Etrange et attachante manifestation que ce festival où miroitent les mille facettes du mouvement, qu’il soit porté par de solides institutions, aux bases techniques inscrites dans un discours multi centenaire, ou procède de la création pure avec tous ses aléas, dans un monde où l’excès de liberté inventive conduit parfois à sa propre destruction. L’émotionnel est ici omniprésent, exacerbé par la fusion du festival avec la ville. Parfois, les festivals de danse s’approprient un coin de rue, une petite place pour tenter d’accrocher le regard. A Biarritz, la danse a de la chance, qui mêle les corps à l’horizon marin, et place ses podiums près de la nature, au cœur de cette petite ville si civilisée et riche de passé artistique. Ainsi les pièces présentées face à l’océan par Dantzaz Konpainia, sur la magnifique place Bellevue, n’apportent- elles pas un nouveau visage à l’expression dansée, mais du moins a-t-on pu partager la quête de ces jeunes gens à la recherche de la vérité de leur corps, et exaltée par une vue splendide. Ici vraiment, les danseurs sont des mouettes : tristes ou joyeux, bondissant ou planant, portés par le vent.
Cette année, pas de création de Thierry Malandain, lequel dirige le festival avec une curiosité toujours aux aguets, mais une session riche de sens divers, ce qui n’empêche pas certains spectacles d’être pauvres : ainsi la saynète Cartel présentée par le groupe La Coma, baptisée « modeste identité culturelle » par son fondateur et animateur, le comédien Michel Schweizer, qui tente avec une besogneuse énergie de « décaler les énoncés ». Tentative un peu dada pour repousser toutes les limites, il trouve vite les siennes, en tentant de faire rire avec des situations incongrues qui ne font pas broncher un seul maxillaire, des interventions qui se veulent remise en place et sonnent faux, et des délires verbaux ou sonores (car chant il y a) qui laissent de marbre. Le propos étant de nous entraîner au cœur des souffrances d’anciens danseurs de l’Opéra de Paris (en l’occurrence le mythique Cyril Atanassoff, qui n’a pu être là) et le grand Jean Guizerix. Celui-ci évoque en quelques gestes qui ne sont que des souvenirs, ses impressions sur l’essence du mouvement, et passe le flambeau à un joli nouveau venu, à l’incontestable présence scénique, Romain di Fazio, le jeune qui prend le relais en se posant des tas de questions : il va pouvoir les résoudre, puisque Ballet Biarritz a la bonne idée de l’engager.
Le Festival s’était ouvert sur une troupe étonnante, le Ballet Royal de Flandre, fondé en 1969 par la grande Jeanne Brabants, incomparable pédagogue qui a notamment formé Bernice Coppieters, étoile emblématique de la troupe de Jean Christophe Maillot, à Monte Carlo. Malgré les graves difficultés existentielles de la compagnie, qui souffre à ce jour d’un manque de direction, les magnifiques 45 danseurs gardent le cap, avec des maîtres de ballet aussi exigeants que Christiane Marchant, et continuent de porter les couleurs d’un Forsythe impeccablement respecté, d’un Tetley, voire de Cranko, pour se garder un peu de romantisme. Intérêt aussi pour les chorégraphes allemands, tels Christian Spuck, dont ils ont donné cette fois une pièce un peu longue et répétitive, Le retour d’Ulysse, racontant l’attente de Pénélope, mais ne comblant pas celle du public. Transposition esquissée dans le monde contemporain, sur de musiques de Purcell, on y a admiré les superbes et virils ensembles des prétendants, et deux danseuses exceptionnelles, Laura Hidalgo et Joëlle Auspert en Pénélope : celle-ci, ascétique et tourmentée, capte l’espace comme sa consœur Coppieters sait si bien le faire. Un trait de l’école classique flamande donc, qui a émerveillé par ses interprètes plus que par son contenu.
Humour avec la compagnie Ambra Senatore, cri de guerre avec le Requiem de Mozart, par la Compagnie Maryse Delente, effervescence animale de la Compagnie Nationale de Danse contemporaine de Norvège, attendue avec impatience, et grand public pour le M. et Mme Rêve, inspiré de Ionesco à Marie-Claude Pietragalla, discutée, discutable, mais qui possède l’art de se garder de nombreux fidèles. La danse a besoin de cerveaux, mais aussi et surtout de cœur. Et de celui-ci le festival n’est pas privé ! A preuve, la plupart de ses spectacles affichent complet.
Jacqueline Thuilleux
Biarritz, 12 et 13 septembre 2014. A venir : le 19 septembre, Compagnie nationale de danse contemporaine de Norvège, le 20 septembre, Emzara, par la Compagnie Maryse Delente, le 18 septembre, Bataille intime - L’oubli, par la Compagnie Mad/Sylvain Groud et le 21 septembre, M et Mme Rêve, par la Compagnie Pietragalla-Derouault.
Programmation détaillée : www.letempsdaimer.com
Photo © Stéphane Bellocq
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