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Gala de l’Académie Princesse Grace à Monte Carlo – Horizons joyeux – Compte-rendu

A l’origine, une histoire de femmes, en fait deux princesses : la première, Grace de Monaco, passionnée de danse, crée en 1975 la première école du Ballet monégasque, en souvenir du brillant passé du lieu, la seconde, Caroline, sa fille, approfondit le rapport de la principauté avec le ballet et une danse plus élargie. Sa complicité, son entente avec la créativité, la vision du monde de Jean Christophe Maillot qu’elle a installé sur le Rocher, lui font affirmer l’importance de l’Académie, agrégée en 2009 aux Ballets de Monte Carlo et au Monaco Dance Forum, en un seul pôle culturel, sous l’égide de Maillot.
 
 L’Académie, elle, confiée à Luca Masala, grand danseur et pédagogue animé par une véritable conception de la danse et pas seulement cramponné à la tradition comme une arapède à son rocher, y est servie par les meilleurs maîtres classiques, tout en développant une ouverture sur le monde que ne prodiguent pas toujours les grandes écoles des maisons d’opéra française, russes ou allemandes. A l’origine, Marika Bresobrasova, née en 1918,  qui fit partie des Ballets Russes de Monte Carlo, avec ses exigences d’académisme héritées de l’école russe. Aujourd’hui, la liberté chèrement acquise au prix d’un travail soutenu et intelligent qui permet de passer de Brumachon à Maillot et d’évoquer Perrot ou Petipa sans perdre une miette de style et de technique.
 
Un gala clôt cet enseignement de cinq années qui ne cherche pas à jeter les bases pour des jeunes danseurs les ayant déjà apprises ailleurs, mais à les former à un métier, à rendre signifiant leur engagement, à nourrir leur passion pour la faire rayonner plus tard. Et le spectacle proposé pour en juger est en tout point réjouissant : tout d’abord parce que la technique de ces jeunes gens est impeccable, leur placé parfait, leurs lignes raffinées et l’élégance des cous de pieds indispensable à qui veut un jour passer de l’en-dehors à l’en-dedans sans avoir l’air de descendre les poubelles !
 

© Alice Blangero
 
Et surtout parce que leur présence, leur intelligence de la scène dénote une compréhension de  leur lendemain qui va déjà très loin. Certains, comme le percutant Cristiano La Bozzetta, ont déjà un engagement ailleurs dans des compagnies prestigieuses : dans son cas celle du Malandain Ballet Biarritz. Pour le reste du déroulement du programme, un mélange subtil et explicite de la variété dans l’unité cette année : variété d’abord autour d’un thème musical qui pourrait paraître éculé, celui des pages écrites pour la danse par Glazounov, dont on ne joue généralement que le trop long Raymonda. Cet ensemble de dix pièces accolées sous le titre Autour de Glazounov, et signée chacune d’un professeur de l’école, met en valeur un type de danse différent, de celle de caractère, au délicat entrelacement de ballerines de rêve,  de l’humour grinçant de mannequins emperruqués à l’orientalisme le plus violent, et permet de juger de tours, portés et autres entrechats tout en saluant la mémoire d’un compositeur qui demande mieux que l’oubli dans lequel il est tenu.
 

© Alice Blangero
 
Puis, une création faite pour l’Académie par une des pointures de la chorégraphie française contemporaine, Claude Brumachon : on nage là dans un univers poétique, intensément expressif et qui marie habilement de superbes musiques, de celles qui exaltent les corps et leur permettent de s’envoler, d’Hildegard von Bingen à la splendeur jubilatoire du Dixit Dominus de Haendel. Une grâce aérienne et émouvante que celle de ces Horizons Suspendus, rêvés par ces jeunes corps tendus vers un ailleurs. Enfin, l’esprit, la dynamique incomparable des chemins de Traverses, dessinés par Jean-Christophe Maillot, et empruntés à plusieurs de ses plus belles pièces, courtes et vivaces : on savoure l’enchanteur et glissant Dov’è la Luna sur Scriabine, puis les délires répétitifs et fascinants de Men’s Dance d’après Music For Pieces Of Wood de Steve Reich et de Vers un Pays Sage sur Fearful Symmetries de John Adams. Des chorégraphies exaltantes, idéales pour l’enthousiasme des jeunes danseurs.
 
Aucune faille sensible dans l’ensemble de ces performances, qu’on peut déjà qualifier d’interprétations, et des individualités dont le programme ne donne pas le détail mais que l’on verra surgir incessamment dans l’horizon chorégraphique des compagnies mondiales, avec particulièrement quelques silhouettes masculines bondissantes, néo-béjartiennes, qui disent le bonheur de danser avec la liberté que permet la discipline maîtrisée. Sans parler des lancers de jambe des filles qui, si ces figures impliquent un certain balancement du bassin préjudiciable à l’harmonie classique, n’en sont pas moins éclatantes sur le plan gymnique. Un bonheur que cette soirée finale, et pas seulement pour le public, mais aussi pour les danseurs qui ont ensuite clos par des hurlements de joie, des trépignements et des sauts déchaînés, ce spectacle achevé, qui saluait tant d’efforts et d’espérances et augurait du meilleur pour l’avenir.
 
Jacqueline Thuilleux

Monte Carlo, Opera, le 23 juin 2019
 
Photos © Alice Blangero

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