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Giselle selon Mats Ek par le Ballet de Lyon à Versailles - Camisole rédemptrice - Compte-rendu
On avait déjà vu cette superbe réalisation du Ballet de Lyon, dont le directeur depuis 1991, Yorgos Loukos, est lié à Mats Ek par une vive amitié. Et c’est le chorégraphe lui-même ou son épouse, l’extraordinaire Ana Laguna, pour laquelle fut écrit le rôle, qui le font répéter. Pièce majeure que ce Giselle, arraché en 1982 par le fils de la célèbre Birgit Cullberg à son aura de romantisme éthéré, et transposé dans un monde brutal où les ailes des willis se muent en camisoles de pauvres folles. En revoyant l’œuvre dans le cadre de l’Opéra de Versailles qui lui fait un si bizarre écrin, tant la lutte des classes y est présente, il n’est personne qui ne ressente là un véritable choc.
Le ballet claque comme un fouet, et la belle musique d’Adam en retire, à être jouée avec cette presque sauvagerie, une violence brute qu’on ne lui soupçonnait pas: avec ses soubresauts de danseurs cabrés comme des bêtes blessées, crispés dans des sauts qui évoquent moins l’envol vers l’ailleurs que le rejet d’un sol hostile, frappant le sol de leurs sabots, son affrontement entre citadins hautains et paysans aux joies rugueuses, et son héroïne simple d’esprit, devenue rédemptrice par amour, ce Giselle déchirant a d’emblée mérité le label de chef-d’œuvre.
Le temps n’y change rien, grâce à la force de danseurs inspirés qui maîtrisent ces rôles âpres et durs, notamment la tendre Dorothée Delabie, alternant avec Caelyn Knight, outre Denis Terrasse, touchant Albrecht, et le fracassant Franck Laizet en Hilarion. Note spécifique, l’on retrouve dans cette version lyonnaise un peu plus d’humanité qu’on n’avait pu ressentir dans les nombreuses interprétations qu’en a données l’Opéra de Paris, avec la prodigieuse Céline Talon ou Pietragalla face à un corps de ballet beaucoup plus agressif dans la provocation haineuse. L’œuvre n’y perd pas, et bouleverse tout autant.
Jacqueline Thuilleux
Adam : Giselle (chorégraphie de Mats Ek) – Versailles, Opéra Royal, le 30 avril 2010.
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Photo : Jean-Pierre Maurin
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